mercredi 25 avril 2007

Sorry Mister !

Un Occidental qui a affaire avec des Indonésiens au quotidien, dans un cadre hors-touristique (je reviendrai plus tard sur le cadre touristique), voit apparaitre et bien sur reparaitre un certain nombre de mots-clés, qui peuvent être interprétés de différentes manières, selon la psychologie et l’état d’esprit de chacun (occidental).

Le mot-clé numéro un sera, comme le titre l’indique, « Sorry Mister ». En fait cette expression peut se diviser en deux mots, on verra qu’il y a dire sur le « Mister ». Mais alors pourquoi l’introduire dans l’expression et pas individuellement ? Parce que le sorry s’entend rarement sans le Mister, je soupçonne même que l’équivalent indonésien (Maaf Pak) ne s’entende pas autant. Le « sorry » serait donc une expression « spécial bule », ou plus qu’une expression un aspect relationnel ? Beaucoup d’Indonésiens l’emploient au moment de demander quelque chose, que ce soit une faveur ou un simple renseignement. Finalement on l’entend tellement qu’il perd son aspect d’excuse. Surtout quand il est suivi d’un petit rire nerveux. Bon pour la décharge du rire nerveux, il paraitrait qu’en Asie il puisse également exprimer un malaise, et plutôt que de faire mauvaise figure, on rit bêtement… Donc le rire nerveux n’est pas si déplacé que ca quand on y réfléchit. Et justement pour rester dans ce registre, parmi les aspects des comportements sociaux, il n’est pas du tout bien vu de s’énerver, cela équivaut a perdre la face. Or justement en Europe (en France) on s’énerve facilement, en tout cas on hausse facilement le ton (l’aspect râleur) et du coup les Indonésiens doivent interpréter ca comme un mécontentement très fort, alors que pour nous c’est juste une réclamation. D’où la réaction apeurée et maladroite du « Sorry Mister », alors qu’ils doivent se dire quels cons ces Blancs de n’énerver pour rien. En effet quand on parcourt des guides de voyages ou méthodes de langue, on peut lire que rien n’est jamais un problème en Indonésie, tout se résout avec le sourire etc. Mais c’est plutôt un point de vue de touriste, et encore je pense de touriste un peu trop généreux (on sera plus facilement arrangeant avec une bonne poire qu’on aura bien pressée…). Mais quand on bosse ou vit en Indonésie, on est parfois moins prêts à céder aux coutumes locales et puis c’est moins marrant quand même, on ne voit pas souvent la plage, les volcans et les jolis hôtels… on peut ajouter a ca le stress du boulot, les cafards dans la baraque, les embouteillages continuels, le toit qui fuit, l’internet qui n’arrive pas, la bouffe pas top, les parasites intestinaux, etc.

Le truc marrant aussi, c’est que cet excès de « sorry » peut paraitre pour de l’éducation un peu trop rigide, du genre surtout il ne faut déranger personne, rester bien a sa place et respecter son prochain. Mais quand on voit les comportements collectifs indonésiens, il y a de quoi se poser des questions sur l’éducation. Je passerai sur le fait d’être ouvertement dévisagé, finalement nous les Blancs on n’est pas chez nous, on est des curiosités. Quand j’étais en stage il y a deux ans j’étais partie en Champagne avec deux potes du boulot pour une opération (ce que je suis en train d’apprendre en formation en ce moment, le slickline), et l’un des deux est Arabe. On avait été tous les deux faire des courses au supermarché du coin et il m’avait glissé « Abusé, tout le monde me dévisage ». Ben oui ils n’avaient presque jamais vu d’Arabe dans leur campagne champenoise ! Mais il n’y a pas que le fait d’être dévisagé : il y a aussi les montées ou descentes de bus ou de train, ou les déplacements dans la foule en boite : il n’y a aucun respect, des vieux, des jeunes, de la logique du « je laisse sortir pour entrer plus facilement », du savoir-vivre : tout le monde se bouscule, pour arriver le premier (ou ?). Je passerai aussi sur le fait de roter et cracher en public (dans le bus, les gens crachent devant leur siège). Mais c’est pas étonnant, apparemment ici les enfants sont à peine éduqués, ils sont très libres et font tout et n’importe quoi sous l’œil attendri voire bienveillant des parents. Mais comme je le sais par expérience personnelle (se prendre des fessées quand on est gosse, ca sert a quelque chose finalement), et pour l’avoir entendu a ma remise de diplôme de Centrale « L’autorité est un service ». Ca peut s’interpréter de différentes façons, mais pour moi faire preuve d’autorité c’est rendre service aux gens et en premier lieu a ses enfants. Bref un samedi après-midi j’étais dans un grand centre commercial a Jakarta et un gosse m’a bousculée et a du même coup renverse une pile de bouquins. Il s’est à peine retourné et a continué ses conneries sans que ses parents ne disent rien. Perso j’ai du mal avec les gosses mal élevés, du coup je l’ai appelé (en fait sifflé, du petit pschitt brésilien) et je lui ai montré les bouquins qu’il avait fait tomber. Et bien ce petit diable a couru pour tout ramasser ! J’avoue que j’étais sur le cul, mais je me suis aperçue que ce gosse ne demandait peut-être que ca, être un peu suivi. Bref du coup selon certains ils ne sont pas éduqués donc font les cons quand ils sont gosses et ensuite a l’adolescence se ramollissent (c’est la tendance naturelle, rien d’indonésien là-dedans) sans qu’il y ait plus de réaction paternelle ou maternelle ni de la part des autorités annexes (je passerai sur le système éducatif pour cette fois). Et du coup beaucoup resteraient mous à l’âge adulte. Enfin je ne veux pas généraliser, c’est une tendance…

Et on en vient doucement au mot-clé suivant : « Maybe later », qu’on va relier au « Besok », qui veut dire « demain » dans les traductions basiques mais en fait plutôt « dans le futur mais ce qui est sur c’est pas aujourd’hui ». L’interprétation que j’en fais serait donc : « Pourquoi faire aujourd’hui ce que tu peux faire seulement demain voire même mieux, jamais ? ». Encore une fois on peut décomposer l’expression car « Maybe » est un mot-clé aussi, exprimant en général une farouche volonté de ne jamais se mouiller, de surtout ne pas prendre de responsabilités dans une décision ou un travail accompli (ou pas accompli justement). Bref encore des mots-clés qui ont le don d’énerver les managers occidentaux (enfin en passant si on prend la main d’œuvre pas chère on prend aussi ses inconvénients par rapport a la main d’œuvre chère… normal, du coup ceux que je connais le prennent avec le sourire).

Pour en revenir a la décomposition du premier mot-clé, je vais faire un rapide commentaire sur le « Mister ». Comme on le sait, Mister veut dire Monsieur en anglais. Quoique théoriquement on ne l’écrive jamais comme ca mais simplement Mr. Enfin c’est un détail. Bref pour une grande majorité des Indonésiens le vocabulaire anglais se résume à « Hello Mister ». Le truc c’est qu’ils ne savent pas tous que Mister veut dire Monsieur et n’est pas une formule de politesse à employer avec tous les Blancs, donc les femmes blanches se font fréquemment appeler Mister en Indonésie… ou alors Mrs, beaucoup plus rarement Miss…

Passons maintenant au point de vue touristique. Peut-être que mon point de vue touristique est un peu faussé par mon expérience préliminaire d’expatriée, mais finalement mais je vois que les deux points de vue se complètent et ne se contredisent pas vraiment. Attention ceci dit, depuis le début je parle d’Indonésiens mais (quart d’heure géographique et culturel) l’Indonésie est un archipel qui s’étend sur une surface de l’ordre de l’Europe de l’Ouest, et est peuplé d’environ 250 millions d’habitants. Or les cultures, coutumes et comportements varient beaucoup d’une région à l’autre de l’Indonésie (en gros d’une grande ile à l’autre, parmi lesquelles on peut citer Java, Sumatra, Bornéo, Bali, Sulawesi ou la Papouasie, sachant que Bornéo et la Papouasie n’appartiennent pas entièrement à l’Indonésie). Bref pour l’instant je n’ai visité que Java-Ouest, à savoir Jakarta et Cikarang, un week-end à Jogjakarta et récemment un week-end entre Bogor et Bandung. Donc les gens que j’ai rencontrés peuvent être ‘classés’ dans la catégorie «Java-Ouest ».

En tout cas un truc qui ne surprendra personne, quand on est touriste on se fait harceler par les vendeurs, guides, conducteurs de minibus, groupes de gosses… On est facilement repérables en général, armés de nos sacs a dos et appareils photos, ainsi que casquettes, lunettes de soleil, carte ou guide touristique… la plupart du temps les gens sont sympas et prévenants, quand on est dans un endroit très fréquenté par des bules on n’est pas trop dévisagés, et ca se passe bien (mais on a quand même droit a quelques sorry Mister bien sur). Par contre ce week-end je me suis retrouvée plusieurs fois seule bulette a la ronde et ca n’a pas toujours été facile. Pour commencer les mecs se rappelaient en me voyant que bule=dollars, donc cible à plumer, ce qui fait que j’étais encore plus harcelée que d’habitude. Et en plus si je n’étais pas intéressée, j’avais droit a deux réactions selon les gens : soit ignorance totale (genre le minibus qui a failli me rouler sur le pied en repartant car ce n’était pas ma direction) soit harcèlement : tu dis non ? Je repose la même question ! Dix fois s’il le faut, genre à l’usure je vais peut-être changer d’avis. Encore une fois ca peut être difficile de ne pas s’énerver. En plus quand la proposition est réitérée sur le même ton monocorde et sans conviction, ca n’incite pas à changer d’avis (encore une fois, manque total d’esprit commerçant a mon sens). Mais c’est carrément ridicule quand on sort du bus Bogor-Bandung et qu’un mec te court après pour te faire entrer dans un bus pour Bogor…

Enfin si on met de coté le fait que l’activité préférée de ceux qui ont de près ou de loin affaire a nous semble être d’arnaquer les Blancs (comment leur en vouloir quand on voit les salaires?), les Indonésiens ne sont pas de mauvais bougres dans l’ensemble et même plutôt sympathiques pour certains. Finalement ceux que je ne trouve pas sympathiques sont ceux qui sont trop insistants ou qui ont l’air trop cons.
Enfin dans les arnaques classique il y a eu : la maid qui demande des sous a un des colocs en lui montrant une facture de teinturerie qui date de 2006 (il est arrivé fin janvier a Jakarta), ou encore mieux les mecs qui vendent des journaux dans la rue ou les gares, ont le Time du jour… sauf que en général c’est celui de l’année d’avant et ils ont coupé le journal juste une toute petite bande ou on voit la date… en gros il faut être toujours aux aguets ici, et réfléchir a deux fois avant de donner de l’argent (sauf si on s’en fout parce qu’on en a plein mais perso je préfère être généreuse en connaissance de cause)

jeudi 5 avril 2007

Le cafard dans la salle de bains

Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi ce titre, mais je trouve que ca sonne plutôt bien.
Ce n’est pas par hasard non plus, mercredi dernier en rentrant chez moi j’ai trouvé un charmant cafard qui se baladait autour de ma douche. Apres un combat épique contre cet intrus extrêmement combatif, j’ai enfin réussi à le mettre KO puis a le transvaser dans la poubelle, en un seul morceau… Un grand moment d’émotion pour moi (mon premier combat contre un cafard, car au Brésil j’avais lâchement fui devant l’ennemi). En même temps quand on y pense, un cafard c’est peut-être sale mais à part ca, ca ne mord pas que je sache, ou ca ne pique pas… mais par contre qu’est-ce que c’est moche ! Et ca a un nom qui n’inspire pas confiance. Et puis les antennes, je ne sais pourquoi mais ca me dégoute. En parlant d’antennes j’ai eu une petite pensée pour mes amis arachnophobes, car les toilettes ou je me change au boulot quand je dois mettre un bleu de travail sont colonisées par une famille de grosses araignées… bon c’est le type avec des longues pattes toutes fines et un tout petit corps, je les trouve pas top moches celles-là. J’ai aussi vu une petite grenouille toute mignonne près de ‘ma’ machine, ca a l’air de dégouter particulièrement les Indonésiens (ceci dit il parait que certaines peuvent filer des maladies). Pour rester dans les bestioles, qu’est-ce qu’on peut voir a Jakarta ? Toujours au boulot il y a pas mal de chats, d’ailleurs il y a un détail qui m’intrigue chez eux c’est que la plupart ont la queue coupée. Et je ne sais pas encore pourquoi (est-ce qu’il y a une superstition locale, ou une malformation génétique ?). Sinon il y a tous les insectes imaginables, en particulier les classiques moustiques, moucherons, sauterelles, libellules, papillons et lézards (appelés tchi-tcha). Des chauves-souris aussi, et j’ai même vu un singe attaché dans un jardin a Kemang (quartier huppé de Jakarta). Pour finir il y a aussi quelques rats dans mon quartier, mais je n’en ai jamais vu dans la maison (heureusement).

En parlant de chauves-souris, il y a une espèce toute particulière qui envahit les bars de Jakarta, appelée la batturfly, de bat (chauve-souris) et butterfly (papillon), soit un corps de papillon et un visage de chauve-souris… la ‘métaphore’ n’est pas de moi, mais je l’ai trouvée rigolote. Bref la batterfly a une proie favorite : l’expatrié, avec son gros portefeuille, en recherche de viande fraiche locale (je vais essayer de ne pas juger). Donc ca peut se traduite par un dialogue du genre :
Expat: “Hello! What is your name?
Batterfly: 50 000 rupiahs!” (environ 5 euro)
On peut aller plus loin et plus cher bien sur, je ne vais pas vous faire un dessin…
Il y en a de plusieurs espèces, celles en quête d’un mari ou en tout cas d’un copain généreux, et les prostituées avérées, surveillées par la mère maquerelle et qui se coachent entre elles (Regarde celui-là il est tout seul et tout bourré on peut se faire de la tune) ou danse comme des gogo-danceuses (enfin essayent parce qu’elles ne savent pas danser en général) sur le bar pour attirer l’expat en rut.
Il y a aussi différents genres de bars ou les trouver : les endroits les plus chics, dans les vraiment grands hôtels, rassemblent les spécimens les plus chics aussi. Il y a ensuite les bars pour expats « classiques », ou on trouve surtout la batterfly timide et qu’on ne peut pas appeler pute en général (il doit y en avoir aussi, mais c’est discret) et enfin les bars glauques dans le « Block M », ou on voit clairement les mères maquerelles surveiller leurs pouliches qui dansent sur le bar. C’était notre dernière destination vendredi soir, et j’avoue mon penchant pour les endroits un peu trash (favelas et autres) mais après 2h là-dedans j’étais un peu dégoutée. Mais j’ai rigolé aussi, bien sur. En autre quand j’ai jeté un œil sur les filles qui dansaient sur le bar. Elles étaient toutes habillées comme des s…… avec des mini mini jupes et des hauts qui s’apparentaient plus à des soutifs. Elles étaient en général pas mal foutues, mais certaines avaient une petite bedaine, et l’une, qui avait un des corps les mieux, avait par contre un visage un peu bizarre et… il lui manquait 2 dents, pas exactement au milieu mais bien visibles en tout cas… la batterfly dans toute sa splendeur. A part ca je rigole mais je plains ces pauvres filles, et je suis bien contente d’être à ma place et pas a la leur. Tiens d’ailleurs une des maquerelles a essayé de me recruter, j’ai bien rigolé.

Sur le sujet des expats il y a encore beaucoup à dire, et entre autres que les différences culturelles a Jakarta ne se trouvent pas seulement entres expats et Indonésiens mais aussi entre différentes nationalités d’expats. C’est quelque chose que j’ai eu tendance à oublier, mais qui est bien réel. Il y a les sujets de conversations ou on n’arrive pas à participer, comme par exemple les donuts (on ne mange pas trop de donuts en France, en plus entre nous c’est degueu les donuts). Donc les donuts, en Indonésie, en Australie et aux Etats-Unis. Il paraitrait qu’en Indonésie pas mal de gens commandent 10 donuts et les mangent tous seuls en 1/2h, donc ca fait bien rigoler les Ricains et Australiens, qui au début ne comprennent pas quand ils vont dans un café ricain et commandent un donut, on leur en apporte 3 ou 4. Il faut dire que les Indonésiens ne sont pas très forts pour comprendre que tout le monde ne fait pas comme eux. On peut ajouter au « gap » que les Anglo-Saxons en général sont quand même assez proches au niveau culturel (ou au niveau du manque de culture peut-être) et en plus ils ont tous la même langue maternelle donc pour moi c’est pas forcement facile. Imaginez quelqu’un qui parle bien français mais se retrouve dans une soirée avec que des Français, Belges et Québécois qui parlent français comme ils parlent entre eux, c’est pas toujours facile de suivre. Et on est toujours le spécimen qui parle avec un accent bizarre. Mais j’assume et même j’emmerde ces gens qui ne parlent qu’une langue et ne sont même pas foutus d’en apprendre une autre. % (pour une autre différence culturelle, voir le mail « coucou les picards 2 »).
Enfin par moments je me pose vraiment des questions sur l’expatriation, ce que ca m’apporte vraiment mais aussi ce que j’y perds. Parce que finalement je ne suis pas en France pendant ce temps-la, et les gens en France continuent de vivre pendant que je n’y suis pas, construisent des choses et avancent pendant que moi je me débats pour me reconstruire une vie, un équilibre et des relations sociales, et tout est à recommencer quand je repars pour un autre endroit. C’est marrant, c’est un aspect que je n’avais qu’entrevu quand j’étais au Brésil, peut-être parce que je n’y étais que pour 6 mois, dans le cadre des études en plus. Mais la je travaille et la suite logique pour moi du point de vue professionnel sera surement de rester expatriée, en Indonésie ou dans un autre pays. Finalement je ne sais toujours pas ce que je ferai, ni ce que je veux faire dans un an, deux ou même dix ans. Mais c’est cool quand même d’être en Indonésie…