Apres deux mois et demi passés a Cikarang et pour une bonne partie a Jakarta (entre les week-ends, les entrainement d’ultimate le jeudi et mes fréquentes visites chez le médecin), et même pour une petite partie ailleurs (week-end a Jogjakarta, ou la désillusion du tourisme, week-end sac a dos entre Bogor et Bandung, ou le retour face a moi-même, week-end a Pelabuhan Ratu ou le calme (trop calme ?) de la plage), le moment tant attendu et craint a la fois est arrivé : je suis partie pour passer mon premier mois sur le terrain. Objectif : me former au slickline (après trois semaines de formation parfois soporifiques, parfois plutôt marrantes) et prendre la relève pour des tests de câble.
Un petit bilan de ces deux mois et demi s’impose. Je ne me sens plus comme la fille fraichement débarquée, fraichement plus au chômage et fraichement volontairement arrachée a son univers connu et maitrisé. En ces quelques semaines j’ai appris à m’adapter à cette vie, au boulot et aux collègues, aux indonésiens aussi en général, même si la généralité est difficile à voir ici. Je sais ou acheter ce dont j’ai besoin, ou sortir et a qui m’adresser et comment. Enfin même si je m’arrache encore un peu les cheveux sur un des chauffeurs par exemple. Mais deux mois et demi c’est court, et je m’aperçois que c’est à peu près au moment ou je commence à me plaire par moi-même que je dois partir. C'est-à-dire que j’ai passé l’étape d’émerveillement ou je suivais mes collègues et colocs et abreuvais mes yeux grands ouverts d’impressions grisantes, suivie de l’étape d’étouffement ou je me demandais ce que je foutais la a ne connaitre personne et au milieu de gens dont la culture et les mœurs me paraissaient plus obscurs et illogiques chaque jour. J’étais en plein dans la phase d’émancipation vis-à-vis des collègues expatriés et de construction de ma propre vie.
Mais quelque chose que j’ai appris au cours de mes séjours dans des pays très différents est qu’on commence réellement à apprécier être quelque part quand on sent que cela aura une fin. Enfin ca vaut pour moi bien sur et ca sous-entend qu’il y a des choses appréciables et des choses plus difficiles a vivre. C’est le cas pour ma vie a Cikarang-Jakarta (je ne dissocie pas les 2 car je n’envisage pas de vivre a Cikarang et ne jamais aller a Jakarta). Cikarang n’est pour moi que la ville ou mon boulot et ma maison se trouvent, et pour la maison c’est vraiment car je n’ai pas eu le choix (je préférerais 100 fois habiter a Jakarta, même si il y a une heure de route (en même temps, quand c’est un chauffeur qui conduit, ca donne les avantages de la voiture et ceux du train en même temps, sans les inconvénients a part les embouteillages). Une ville industrielle donc, ou il n’y a pas grand-chose a faire et qui est un peu arriérée même. Enfin encore une fois je ne me plains pas, et le contraste avec Jakarta est assez intéressant, j’adore les contrastes. Jakarta donc, a évolué dans mon esprit beaucoup plus que Cikarang. C’est marrant quand on arrive quelque part on a une vision de cet endroit, et si on y repense quelques mois plus tard, la vision est différente, un peu comme les images en 3D qu’on voit apparaitre en louchant ou en éloignant petit a petit l’image sans refaire la mise au point. Jakarta c’est comme ca pour moi, mais Cikarang non. Peut-être que je n’ai pas capté la magie de Cikarang, peut-être parce qu’il n’y en a pas. Jakarta était au début pour moi un immense chaos, une juxtaposition de buildings modernes, de constructions aussi gigantesques, de bidonvilles, de petits bouts d’exotisme (les chèvres qui courent dans les rues, les petites voitures a trois roues, les stands de nourriture, les devantures un peu miteuses des magasins), parcouru en tous sens par des autoroutes grouillantes de 4x4, de motos de toutes sortes sur lesquelles une famille entière peut être juchée, le plus naturellement du monde. L’impression d’être étrangère a tout ca n’est pas facile a estomper, en particulier quand je voyais tout a travers les vitres de la voiture, a l’arrière, conduite par un chauffeur avec qui la communication n’est pas toujours évidente. Les sorties de voiture se font a l’entrée même des centres commerciaux, restaurants, hôtels de luxe, séparés des rues (ou plutôt avenues ou boulevards) et du commun des indonésiens. On a l’impression de pénétrer dans un des mondes de Jakarta, mais une fois qu’on y est, on est comme transporté en Europe, ou peut-être aux Etats-Unis ou en Australie, mais tout ca est un peu égal comparé à l’Indonésie. Petit a petit on s’aperçoit que ce monde existe aussi par opposition au monde extérieur, celui de la rue et des vrais indonésiens. Mais il n’est pas facile a approcher, car c’est de monde-ci qu’on est vraiment étranger, et le verdict est sans appel : il est écrit sur notre visage, et on l’entend partout ou l’on va hors de notre petit monde d’expatriés : bule ! Mais les images, les odeurs (pas toujours agréables, ni les unes ni les autres, j’en conviens, mais la recherche de l’authenticité est parfois a ce prix), les échanges sont alors ce que je suis venue chercher ici, même si ce n’est pas ce que j’attendais. Mais je ne sais pas bien ce que j’attendais…
Il n’y a pas la plupart du temps d’agressivité ou de dédain réel dans la façon qu’ont les indonésiens de toujours nous rappeler qu’on n’est pas chez nous, qu’on est différents et qu’ils le voient bien. J’ai déjà parlé de ce qui se fait ici et pas chez nous, je pense que pour eux c’est normal. Enfin parfois c’est fatigant, mais je vois surtout de l’envie et de la curiosité dans les yeux dont je croise le regard, et je ne peux pas m’empêcher d’être heureuse d’être moi et pas eux…
Maintenant je connais le monde auquel je suis sensée appartenir ici, même si j’ai du m’y habituer car il est d’un niveau « friqué » et chicos bien plus élevé que le mien en France, au Brésil ou dans les autres pays ou j’ai eu l’occasion d’aller. J’y ai rencontré d’autres jeunes expatriés comme moi qui ont aussi senti le contraste et les contradictions de Jakarta et s’y sont sentis perdus, mais ont finalement trouvé l’exotisme et les charmes de ce monde, comme j’étais aussi en train de les découvrir. Mais le bon point que je tire de cette impression de partir trop tôt sur le terrain, c’est que j’ai réussi la première phase de mon séjour en Indonésie : je me suis adaptée, et je me suis approprié mon nouvel univers. Mais c’est un autre monde encore dans lequel je viens d’arriver, et un nouveau challenge m’attend…
Un autre bon point dans la difficile adaptation a un nouvel environnement, loin de ses points de repères, de ses amis et de sa famille, et aussi a une nouvelle vie en général puisque c’est aussi le début de ma vie professionnelle, de mon indépendance sur tous les plans, c’est que dans des moments aussi éprouvants je suis obligée de prendre le temps de faire le point, de me demander ce que vraiment je cherche, de voir comment vraiment je réagis a des situations inédites. J’apprends a me connaitre finalement, et j’ai l’occasion d’essayer de m’améliorer, d’avancer et de me construire plus que dans une vie tracée, sécurisante et familière. A bientôt pour le récit de mes aventures dans les exploitations pétrolières de Bornéo !
jeudi 17 mai 2007
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