Ce qui devait être une semaine de vacances “touriste de base” selon certaines connaissances de Jakarta s’est révélé une expérience totalement dépaysante, relaxante et riche en émotions, en tout cas très réussie. J’ai pu m’y identifier a tout une palette de gens, de la touriste qui utilise ses quelques rudiments d’indonésien pour marchander sec, et engager quelques conversations un peu plus authentiques avec les locaux, a l’expatriée en recherche de détente et d’ « occidentalité » a 2h de Jakarta, au backpaper qui dort dans les losmen douteux, a l’apprentie surfeuse dans la foule d’apprentis surfeurs a Kuta.
Si ce qui oppose en premier lieu les étrangers aux locaux a Jakarta (Cikarang par extension), c’est cette impatience et propension a s’énerver (occidentales) contre la maitrise de soi et l’apparente absence d’affection personnelle par les problèmes (orientales), a Bali on sent encore ce décalage mais les gens ici ont l’air authentiquement zen et pas quelques peu zombeifiés par la religion, non pas quelque peu hagards et sans initiative mais souriants, positifs et détendus. C’est peut-être un peu exagéré comme comparaison et influencé par la détente que l’on ressent quand on passe de Jakarta, frénétique, encombrée, polluée, à Bali, beaucoup plus reposante. Il faut ajouter que j’étais enfin en vacances, bien méritées je trouve.
Première déception, en sortant de l’aéroport. Je m’attendais à trouver des minibus et a me mélanger a la population locale, mais c’étaient bien des hordes de taxi qui m’attendaient, tous plus convaincus les uns que les autres que j’allais monter dans le leur. Et quand j’ai commencé à demander mon chemin vers les bemo (minibus locaux) on m’a répondu de prendre un taxi, pas toujours de façon très sympa. Donc premier constat : les touristes ici sont sensés suivre des voies prédéfinies et se déplacer avec les moyens prévus pour eux. Si tu essayes de sortir du rang, on te regarde de travers. En fait c’est encore quelque chose que j’avais remarqué, et dont je vais me rappeler tout au long de ce séjour : a partir du moment où la plupart des étrangers font quelque chose, les indonésiens ne comprennent pas que d’autres fassent différemment. Cela entre dans une logique pas toujours limpide, et c’est très difficile de les faire sortir de cette logique. Finalement après un minibus et une demi-heure de galère à chercher le suivant (il devait y en avoir 3 en tout), je finis par monter a l’arrière d’un scooter qui a du m’arnaquer mais finalement je suis arrivée a bon port pour bien moins cher qu’en taxi et le trajet a été plutôt agréable…
Donc, premier choc a l’arrivée à Ubud, dans le centre de Bali. C’est une ville qui est assez courue pour sa situation centrale, avec un accès facile a de nombreux « spots » touristiques, gros temples et volcans, ainsi que des promenades dans des rizières voisines, bien agréables. L’occasion pour plein de photos, des rencontres rapides avec des locaux (qui essayent de nous vendre des coconuts pour des prix indécents) et croiser quelques autres touristes, avec des touches plus ou moins ridicules. Le truc marrant au début a été d’entendre parler français partout… Beaucoup de touristes dans l’intérieur de Bali et les autres coins que Kuta (plus sur Kuta plus tard) sont français. En fait on a tous envie d’être dans des coins zen, pas trop courus par les fêtards bourrins australiens et ou il y a autre chose à faire que plage+teuf. Deux jours de détente donc a Ubud, balade dans les rizières, visite d’un temple avec des singes « sacrés » plutôt rigolos, bouffe indonésienne (pas si mal que ca finalement), un peu de shopping, il y a plein de boutiques pleines de fringues ethniques, fabriquées sur place, et pas chères du tout.
Etape suivante, Padang Bai, un petit village de pêcheurs sur la cote Est, apparemment un bon spot de plongée et un endroit pas trop touristique (enfin forcement vu que c’est dans notre guide). Je l’ai choisi car c’est le village sur lequel il y a le moins de texte et en même temps sur internet on me dit que c’est super joli… en route, après avoir négocié la voiture. Il y a eu malentendu ici, ou alors le chauffeur était de mauvaise foi, enfin surement un peu des deux, mais finalement on s’en sort avec un bon prix et on arrive sans encombre.
Un petit mot sur le chauffeur. Pour se déplacer à Bali il y a plein de solutions différentes. Quand on est un groupe l’idéal c’est de louer une voiture, avec ou sans chauffeur. A Ubud entre autres on se fait harceler par des mecs qui ont une grosse bagnole (ou un petit minibus, ca dépend comment on voit les choses). On discute de ou on veut aller, aller-retour ou pas, combien de personnes etc et on négocie le prix (très important sinon non seulement on se fait enc….. mais en plus a sec). Le cas dont je parle la, on se baladait avec ma mère et ma tante, le mec de ma mère était resté a l’hôtel (enfin hôtel, façon de parler, plus sur le sujet plus tard, un sujet a la fois). On avait prévu de partir a Padang Bai le lendemain, certainement en prenant le shuttle bus, en gros un minibus (encore un) qui sert à déplacer les touristes entre les différents points touristiques de l’ile. C’est un des moyens les plus économiques quand on ne sait pas / veut pas marchander. Le problème c’est les horaires imposés. Donc un chauffeur nous demande si on veut une « transportation » et on se dit tiens pourquoi pas, on est 4 et on voudrait partir a Padang Bai demain matin. Il sait très bien combien coute le bus a touristes, et finalement on négocie pour un peu moins que le prix de 3 places de bus. Mais le lendemain en nous voyant arriver a 4 il dit que non c’est pas possible on était que 3 la veille. Donc petite embrouille, je lui dis qu’on avait un deal, que j’avais dit 4 personnes, et que de toute façon ca change rien, ca fait le même trajet. Finalement on part et a l’arrivée il demande plus. Mais on lui dit c’est trop tard mon grand, et puis nous prend pas pour des cons si on est partis c’est que tu y gagnes encore. Enfin pas comme ca, ca c’était après entre nous. C’était rigolo, en partant il a dit qu’il m’aimait pas et que j’étais pas juste. Enfin la conclusion a laquelle on est arrivés c’est qu’il avait bien entendu qu’on devait être 4 mais comme on était que 3 pour discuter et que je discutais ferme ca avait du l’embrouiller et il était resté sur 3 personnes. Enfin encore une carence de logique quelque part, mais au final la moralité c’est que le touriste se fait dans la grande majorité des cas entuber, donc il faut toujours négocier ferme et ne pas faire de sentiment même si un local fait l’offensé…
Les quelques jours a Padang Bai ont été relaxants, avec plongées superbes : le premier jour joli, super de replonger, ca faisait presque un an ; le deuxième jour après une heure et demie de route le long de la cote et parfois dans les collines (paysages superbes de rizières coincées dans les montagnes), on est arrivés sur une plage sympa comme tout, on plongeait directement de la plage sur une épave toute cassée mais envahie de coraux, poissons et… plongeurs ! En fait on n’en pas pas trop vu (de plongeurs) mais les plongées étaient superbes et je me suis bien amusée à passer sous des arches, a l’intérieur de l’épave, etc. Le 3e jour de plongée, les deux plongées étaient encore superbes, un peu au large de Padang Bai, et on a vu des requins les deux fois !!! Super… L’après-midi on avait du temps après la plongée, donc on s’est fait des balades sympa autour du village, dont l’une sur une plage très jolie avec des petites baraques-resto en bois, a laquelle on accédé par un petit chemin qui passe dans la colline au dessus du village. Une autre balade nous a amenés à un ensemble de deux temples hindouistes. De derrière les temples, un petit chemin descendait vers la falaise et menait à un autel dans une petite grotte, avec des offrandes et des statues de dieux. Il était entouré d’un balcon donnant directement sur la mer, vraiment sympa comme endroit, je pense très propice a la méditation. Le soir ensuite, diner dans un des petits restos en bord de mer (ou bord de port, ceux-là étant encore moins chers). J’adore ce genre d’endroits, ou on ne sent pas comme faisait partie d’une masse de touristes totalement dans les sentiers battus (ou plutôt les autoroutes embouteillées).
Mais il fallait y passer justement par l’autoroute, ne serait-ce que pour une journée, car il aurait été dommage que ma famille quitte Bali sans avoir vu le moindre coucher de soleil sur la plage ! Donc le jeudi, direction Kuta donc, encore une fois avec un minibus privé, après de fermes mais sympa discussions de prix. On se fait déposer non pas a Kuta qui est très animé mais a Seminyak, plus chic, ou il y a moins d’Australiens et plus d’Européens. Coucher de soleil un peu raté, il y avait trop de nuages... La dernière soirée est sympa, resto indonésien typique ou on choisit ses plats dans une vitrine et on se compose son assiette soi-même. Le lendemain après une session plage, puis déjeuner a Kuta (histoire qu’ils voient a quoi ca ressemble, quand même), je les mets dans un taxi pour l’aéroport et je prends une leçon de surf histoire de, et comme mes potes n’étaient pas encore arrivés, ca tombait bien. La leçon a été plutôt marrante. Comme je ne pouvais pas me joindre a un groupe (trop tard) et que je ne voulais pas payer 50 dollars pour une heure de cours particulier en passant par une école, je me suis baladée sur la plage et la un sauveteur m’a demandé gentiment si je cherchais quelque chose. Je lui ai dit oui, un cours de surf, en rigolant et la il a appelé un mec qui m’a dit qu’il pouvait me donner un cours. Finalement j’ai négocié a 15 dollars l’heure et demi qui finalement s’est transformée en deux heures… et le mec était sympa, rigolo et a la fin j’arrivais à me lever (dans la mousse) presque a chaque fois !
A la fin de la leçon j’ai flâné un peu puis j’ai rejoint les potes qui étaient déjà arrivés à l’hôtel, en prenant un scooter-taxi, qui a été un peu dur à négocier, mais encore une fois c’est toujours possible ! Diner dans un resto presque de bord de mer, sympa et pas cher, suivi d’une soirée mémorable à Kuta. Il y a Kuta beaucoup de bars, restos, boites, de styles très variés, et tous assez proches donc c’est encore mieux que Jakarta pour sortir. Le truc qui fait bizarre c’est qu’au cœur du quartier pour sortir, il y a le mémorial pour l’attentat d’octobre 2001. Cela rappelle le danger (il parait qu’il y a des menaces très sérieuses sur Bali et Jakarta en ce moment, en particulier avec des cibles occidentales), et ca fait bizarre mais finalement le but de ce mémorial est de se rappeler et non de chercher à arrêter toute activité festive dans la ville.
Une petite pause ici, je suis en voiture, j’arrive bientôt et je dois me contrôler pour ne pas dire a mon chauffeur ce que je pense de son inefficacité… self control, voila une des choses que j’apprends (lentement) ici en Indonésie…
mercredi 8 août 2007
mardi 3 juillet 2007
Badak, ou l’Indonésie profonde et le monde des opérations pétrolières
Quand on m’a demandé, quand je suis rentrée de 5 semaines sur le terrain, de raconter (la traditionnelle question « alors c’était comment ? Raconte… »), je ne savais pas par ou commencer. Finalement par écrit c’est pareil. Tout se bouscule un peu, les premières impressions, les découvertes, l’adaptation dans l’Indonésie profonde, la vraie peut-être si tant est qu’il y en ait une. L’Indonésie est loin d’être un pays homogène, mais finalement c’est surtout une formule pour touristes. C’est évident que tous les pays recèlent plusieurs « vérités », tout dépend de l’approche qu’on a de ce pays (natif, touriste, expatriés,... plus les sous-catégories de ces catégories principales). En tout cas ce que l’on peut dire c’est que le coin n’était pas touristique, à peu près au milieu de Kalimantan Est. Kalimantan est le nom de la partie indonésienne de Bornéo, qui est une grande ile au Nord de Java. Il y a un peu de tourisme sur Bornéo mais pas tant que ca, quelques excursions dans la jungle et des réserves, surtout pour la protection des orang-outans. Pour arriver à Badak, il faut déjà prendre l’avion, pour arriver à Balikpapan, dans Kalimantan Est, qui est la grosse ville pétrolière du coin, avec toutes les bases opérationnelles des compagnies pétrolières et prestataires de services (comme ma boite). Je pense que la taille de la ville est surtout due à l’industrie pétrolière, on voit beaucoup d’infrastructures et le port a l’air assez actif. La ville en elle-même n’est pas franchement jolie, assez polluée (les montagnes de détritus sur la plage, c’est moche, mais quand les gosses se baignent au milieu, ca laisse une drôle d’impression). De Balikpapan, en 3 ou 4 heures de voiture on arrive à Badak, un des villages autour duquel et dans lequel de nombreux puits ont été creusés. Le village devait être assez traditionnel au début, les habitants vivant de la pêche et de la culture de la noix de coco, un peu de la chasse aux crocos aussi (très recherchée, la bite de crocodile est sensée donner la puissance sexuelle a qui la mange). Puis une compagnie pétrolière est arrivée et des bases se sont construites, ainsi que les puits bien sur. Donc si on trouve la vraie Indonésie là-bas, elle est quand même un peu « polluée » par l’industrie pétrolière.
Pendant que j’étais là-bas, j’habitais dans la base de l’entreprise indonésienne pour laquelle je bosse ici. En gros ca consiste en des bâtiments pour le support technique (mécanique, outils, bureaux), des bâtiments de chambres pour les opérateurs, lingerie, etc. et un bâtiment en bois sur pilotis au-dessus d’un petit étang, ou se trouvent les salles communes (salle à manger + cuisine, salle télé, terrasse avec ping-pong). Ma chambre était dans ce bâtiment, en fait la chambre de l’ancien patron qui ne vient jamais. Ca me donnait le privilège d’une salle de bain a l’occidentale avec toilettes privées et douche (enfin tuyau) privée aussi. On n’oublie pas la clim dans la chambre. Les lieux ne sont pas désagréables, le petit étang est mignon (enfin sauf que c’est la que se déversent les toilettes), on en ferait presque une colonie de vacances.
Les alentours sont assez marquées par l’exploitation pétrolière, pleins de pipelines parcourent la campagne, on voit des torches bruler, des puits aux détours des chemins… Les routes sont en terre, du coup quand il pleut c’est marrant ca fait des pistes de rallye. Ce n’est pas très densément peuplé, on croise quand même du monde a moto essentiellement, un peu a pied et rarement en voiture (sauf voitures d’autres compagnies). Les maisons sont en bois sur pilotis, le long de la route, avec parfois une petite mosquée, parmi les seuls bâtiments en dur. Certains habitants transforment le devant de leur maison en petit magasin-bazar. Peu de maisons ont l’eau courante, le matin on aperçoit souvent des gens qui se lavent a la bassine derrière une bâche tendue entre des piquets. La vie des locaux a l’air assez simple, assez pauvre aussi. Ca fait bizarre d’observer ces gens, qui en retour sont en général assez surpris de me voir. Même si il y a pas mal d’expatriés dans le coin, il n’y a pas beaucoup de femmes.
La journée type commence à 4h45 par l’appel à la prière de la mosquée de la base, qui me réveille a peine si même il me réveille. Le petit dej ensuite, de 5 a 6, des typiquement indonésien, riz, nouilles frites, œufs, trucs non identifiés. Du jus de fruits en brique et du pain ou des pancakes viennent me sauver du riz omniprésent. En effet les mecs ont l’air de ne pas comprendre pourquoi les étrangers ne mangent pas du riz à tous les repas. Pour un Indo, un repas sans riz n’est pas un vrai repas… Sur les coups de 7h, les chefs des équipes reviennent de la base de la compagnie pétrolière avec les programmes pour la journée et on commence à préparer les voitures et à embarquer pour rejoindre le puits concerné pour la journée. Le moment d’attente est je pense, surtout au début, le plus difficile de la journée. Imaginons : je suis la seule nana et seule étrangère de la base. Les mecs sont tous des opérateurs donc pas forcément des flèches en général et comme je l’ai déjà fait remarquer pas éduqués franchement comme on entend l’éducation en Europe. Donc je me fais harceler de questions débiles et répétées, de prises de photos, de ricanements, de regards interrogatifs. C’est aussi pour moi le moment de tâter le terrain, de voir qui sont les plus chiants et qui je ne veux vraiment pas suivre sur le terrain.
Je ne rentrerai pas dans les détails de la journée sur le terrain, en tout cas pas du boulot en lui-même car ca serait trop long et je ne sais pas jusqu’ou j’ai le droit d’aller. Mais en gros le boulot est bourrin et physique, pas très intellectuel, et laisse beaucoup de temps libre (i.e. on se fait chier parfois). La pause déjeuner est un moment intéressant, la boite repas est un peu déconcertante au début, remplie de nourriture indonésienne bien sur, une portion de riz évidemment, dans un papier, et des portions de poisson, viande ou poulet, légumes, autres, dessert et fruits dans des sachets en plastique. Pas de couverts, on mange avec les mains, un sachet plastique peut être utilisé pour faire gant (c’est quand même plus pratique). Au début on se dit qu’on va apporter une cuillère pour s’aider mais en fait c’est plutôt rigolo de manger avec les mains, ca fait rire les operateurs et ca permet de briser un peu la glace…
L’interaction avec les opérateurs pendant la journée dépend pas mal d’avec qui je suis. Avec certains on discute presque, il y en a quand même quelques-uns qui parlent presque anglais. D’autres n’essaient pas trop de parler, ils sont timides ou alors de mauvais poil (ne parlent a personne). Il y a aussi ceux qui ne comprennent rien en anglais mais veulent absolument parler, mais la ca devient vite relou, je peux pas donner des cours d’anglais grand débutant a la moitié des operateurs de la base. En plus qui va me dire l’intérêt de poser une question si tu ne comprends pas la réponse ? Enfin c’est pas méchant tout ca, juste une peu lourd, et même très lourd parfois quand je suis fatiguée ou un peu énervée par une journée longue, pas toujours facile (chaleur, moustiques, boulot chiant) et une impossibilité a m’exprimer a quelqu’un d’autre qu’a moi-même… Je pense que c’est ce qui a été le plus pesant pendant ces quelques semaines : ne pas pouvoir avoir une conversation évoluée, d’une part parce que personne ne parle suffisamment bien anglais et parce que je ne parle pas assez bien indonésien non plus, et d’autre part car je n’ai objectivement pas grand-chose à partager de mes états d’âmes et de mes réflexions avec mes « potes » operateurs. Mais on en fait son parti, je noircissais des pages de mon carnet pendant la journée, finalement quand le cerveau tourne en vase clos on réfléchit a des choses auxquelles on n’a peut-être pas trop le temps ni l’envie de penser, et ca peut vite devenir philosophique. Mais comment mieux réfléchir sur sa vie quand on s’en trouve projeté si loin, tant géographiquement que culturellement ? C’est un peu une mise en abyme, un éclairage différent, l’impression d’un autre monde qui parait presque irréel.
La soirée n’était pas riche en événements, au début même je n’avais rien à faire. Apres le retour, quelques abdos et pompes histoire de dire que je ne deviens pas une larve, bonne douche (froide), le diner était encore une occasion de socialiser. La pour ceux qui ne savaient pas en fait les Indonésiens mangent avec les mains, même quand il y a des couverts a disposition. Enfin pas tous, surtout quand je suis la… le menu du soir ressemble étrangement a celui du matin et du midi, avec du riz bien sur, du poulet, du poisson, des légumes. Des patates étaient en général au menu, ca permet d’échapper au riz (je n’ai rien contre le riz mais plus d’une fois par jour ca commence à être trop). Bref un petit buffet pas fameux mais de quoi se rassasier. En plus on peut demander des trucs spéciaux a la cuisine, mais ce n’est pas recommandé, en général les indonésiens sont bien incapables de cuisiner a l’occidentale…
Les derniers temps, entre les rapports à envoyer tous les soirs, les outils à nettoyer, je finissais parfois ma journée a 20h, voire plus tard. Sinon j’allais au bar du coin boire quelques bières, le problème c’est que ca pouvait se finir vraiment tard et dans ce cas-la le réveil était franchement dur le lendemain.
Au bout de quelques temps, quand les opérateurs se sont un peu habitués à moi et que j’ai commencé à pouvoir m’exprimer un peu en indonésien, les choses se sont arrangées. Une légère interaction était alors possible, des relations un peu plus intéressantes, et je me suis fait quelques potes parmi les rares qui m’avaient traitée comme une personne normale des le début et pas comme une bête curieuse échappée d’un zoo. En gros les plus malins et ouverts du lot. D’où quelques soirées, passées à boire des bières, chanter au karaoké du bar du coin. Sympa, on se sent un peu moins larguée au fin fond de la jungle et un peu plus comme expat d’un genre spécial.
En effet c’est la première vraie occasion que j’ai eue de rencontrer et de vivre avec des indonésiens. L’intérêt aussi était qu’ils venaient de toute l’Indonésie, enfin essentiellement Java, Sumatra, Sulawesi et quelques-uns de Kalimantan aussi. Très peu ont été a l’université, et en général pas pour bien longtemps. La plupart sont mariés, parfois plusieurs fois (la polygamie est autorisée pour les musulmans) et ont des gosses, parfois 5 ou 6. Comme je l’ai déjà dit c’est pas des mecs très fins en général, mais franchement pas méchants et même un peu timides sur les bords. Entre eux ils font les malins mais en face de moi la plupart cachaient leur « vraie » nature pour essayer de passer pour des bons gars. Alors qu’ils essayaient d’engrener un de mes collègues (qui a eu le malheur de dire qu’il était célibataire) pour aller au coin a putes de Badak, aucun n’a jamais admis devant moi y aller (alors que les 3/4 y vont très régulièrement).
A la fin aussi, mon boulot était un peu plus intéressant car je testais des équipements en opération, donc j’avais une petite responsabilité et un vrai rôle dans l’équipe. Le boulot sur le terrain n’est pas facile tous les jours, mais en même temps ca donne l’occasion d’avoir des relations de travail d’un genre totalement différent, on fait vraiment partie d’une équipe, les conditions difficiles soudent plus que le partage d’un bureau et d’une machine a café. Au bout d’une semaine avec la même équipe, je me suis presque sentie triste de partir, même si ca n’a pas duré bien longtemps… Le programme du weekend de retour à la civilisation était bien chargé.
Pendant que j’étais là-bas, j’habitais dans la base de l’entreprise indonésienne pour laquelle je bosse ici. En gros ca consiste en des bâtiments pour le support technique (mécanique, outils, bureaux), des bâtiments de chambres pour les opérateurs, lingerie, etc. et un bâtiment en bois sur pilotis au-dessus d’un petit étang, ou se trouvent les salles communes (salle à manger + cuisine, salle télé, terrasse avec ping-pong). Ma chambre était dans ce bâtiment, en fait la chambre de l’ancien patron qui ne vient jamais. Ca me donnait le privilège d’une salle de bain a l’occidentale avec toilettes privées et douche (enfin tuyau) privée aussi. On n’oublie pas la clim dans la chambre. Les lieux ne sont pas désagréables, le petit étang est mignon (enfin sauf que c’est la que se déversent les toilettes), on en ferait presque une colonie de vacances.
Les alentours sont assez marquées par l’exploitation pétrolière, pleins de pipelines parcourent la campagne, on voit des torches bruler, des puits aux détours des chemins… Les routes sont en terre, du coup quand il pleut c’est marrant ca fait des pistes de rallye. Ce n’est pas très densément peuplé, on croise quand même du monde a moto essentiellement, un peu a pied et rarement en voiture (sauf voitures d’autres compagnies). Les maisons sont en bois sur pilotis, le long de la route, avec parfois une petite mosquée, parmi les seuls bâtiments en dur. Certains habitants transforment le devant de leur maison en petit magasin-bazar. Peu de maisons ont l’eau courante, le matin on aperçoit souvent des gens qui se lavent a la bassine derrière une bâche tendue entre des piquets. La vie des locaux a l’air assez simple, assez pauvre aussi. Ca fait bizarre d’observer ces gens, qui en retour sont en général assez surpris de me voir. Même si il y a pas mal d’expatriés dans le coin, il n’y a pas beaucoup de femmes.
La journée type commence à 4h45 par l’appel à la prière de la mosquée de la base, qui me réveille a peine si même il me réveille. Le petit dej ensuite, de 5 a 6, des typiquement indonésien, riz, nouilles frites, œufs, trucs non identifiés. Du jus de fruits en brique et du pain ou des pancakes viennent me sauver du riz omniprésent. En effet les mecs ont l’air de ne pas comprendre pourquoi les étrangers ne mangent pas du riz à tous les repas. Pour un Indo, un repas sans riz n’est pas un vrai repas… Sur les coups de 7h, les chefs des équipes reviennent de la base de la compagnie pétrolière avec les programmes pour la journée et on commence à préparer les voitures et à embarquer pour rejoindre le puits concerné pour la journée. Le moment d’attente est je pense, surtout au début, le plus difficile de la journée. Imaginons : je suis la seule nana et seule étrangère de la base. Les mecs sont tous des opérateurs donc pas forcément des flèches en général et comme je l’ai déjà fait remarquer pas éduqués franchement comme on entend l’éducation en Europe. Donc je me fais harceler de questions débiles et répétées, de prises de photos, de ricanements, de regards interrogatifs. C’est aussi pour moi le moment de tâter le terrain, de voir qui sont les plus chiants et qui je ne veux vraiment pas suivre sur le terrain.
Je ne rentrerai pas dans les détails de la journée sur le terrain, en tout cas pas du boulot en lui-même car ca serait trop long et je ne sais pas jusqu’ou j’ai le droit d’aller. Mais en gros le boulot est bourrin et physique, pas très intellectuel, et laisse beaucoup de temps libre (i.e. on se fait chier parfois). La pause déjeuner est un moment intéressant, la boite repas est un peu déconcertante au début, remplie de nourriture indonésienne bien sur, une portion de riz évidemment, dans un papier, et des portions de poisson, viande ou poulet, légumes, autres, dessert et fruits dans des sachets en plastique. Pas de couverts, on mange avec les mains, un sachet plastique peut être utilisé pour faire gant (c’est quand même plus pratique). Au début on se dit qu’on va apporter une cuillère pour s’aider mais en fait c’est plutôt rigolo de manger avec les mains, ca fait rire les operateurs et ca permet de briser un peu la glace…
L’interaction avec les opérateurs pendant la journée dépend pas mal d’avec qui je suis. Avec certains on discute presque, il y en a quand même quelques-uns qui parlent presque anglais. D’autres n’essaient pas trop de parler, ils sont timides ou alors de mauvais poil (ne parlent a personne). Il y a aussi ceux qui ne comprennent rien en anglais mais veulent absolument parler, mais la ca devient vite relou, je peux pas donner des cours d’anglais grand débutant a la moitié des operateurs de la base. En plus qui va me dire l’intérêt de poser une question si tu ne comprends pas la réponse ? Enfin c’est pas méchant tout ca, juste une peu lourd, et même très lourd parfois quand je suis fatiguée ou un peu énervée par une journée longue, pas toujours facile (chaleur, moustiques, boulot chiant) et une impossibilité a m’exprimer a quelqu’un d’autre qu’a moi-même… Je pense que c’est ce qui a été le plus pesant pendant ces quelques semaines : ne pas pouvoir avoir une conversation évoluée, d’une part parce que personne ne parle suffisamment bien anglais et parce que je ne parle pas assez bien indonésien non plus, et d’autre part car je n’ai objectivement pas grand-chose à partager de mes états d’âmes et de mes réflexions avec mes « potes » operateurs. Mais on en fait son parti, je noircissais des pages de mon carnet pendant la journée, finalement quand le cerveau tourne en vase clos on réfléchit a des choses auxquelles on n’a peut-être pas trop le temps ni l’envie de penser, et ca peut vite devenir philosophique. Mais comment mieux réfléchir sur sa vie quand on s’en trouve projeté si loin, tant géographiquement que culturellement ? C’est un peu une mise en abyme, un éclairage différent, l’impression d’un autre monde qui parait presque irréel.
La soirée n’était pas riche en événements, au début même je n’avais rien à faire. Apres le retour, quelques abdos et pompes histoire de dire que je ne deviens pas une larve, bonne douche (froide), le diner était encore une occasion de socialiser. La pour ceux qui ne savaient pas en fait les Indonésiens mangent avec les mains, même quand il y a des couverts a disposition. Enfin pas tous, surtout quand je suis la… le menu du soir ressemble étrangement a celui du matin et du midi, avec du riz bien sur, du poulet, du poisson, des légumes. Des patates étaient en général au menu, ca permet d’échapper au riz (je n’ai rien contre le riz mais plus d’une fois par jour ca commence à être trop). Bref un petit buffet pas fameux mais de quoi se rassasier. En plus on peut demander des trucs spéciaux a la cuisine, mais ce n’est pas recommandé, en général les indonésiens sont bien incapables de cuisiner a l’occidentale…
Les derniers temps, entre les rapports à envoyer tous les soirs, les outils à nettoyer, je finissais parfois ma journée a 20h, voire plus tard. Sinon j’allais au bar du coin boire quelques bières, le problème c’est que ca pouvait se finir vraiment tard et dans ce cas-la le réveil était franchement dur le lendemain.
Au bout de quelques temps, quand les opérateurs se sont un peu habitués à moi et que j’ai commencé à pouvoir m’exprimer un peu en indonésien, les choses se sont arrangées. Une légère interaction était alors possible, des relations un peu plus intéressantes, et je me suis fait quelques potes parmi les rares qui m’avaient traitée comme une personne normale des le début et pas comme une bête curieuse échappée d’un zoo. En gros les plus malins et ouverts du lot. D’où quelques soirées, passées à boire des bières, chanter au karaoké du bar du coin. Sympa, on se sent un peu moins larguée au fin fond de la jungle et un peu plus comme expat d’un genre spécial.
En effet c’est la première vraie occasion que j’ai eue de rencontrer et de vivre avec des indonésiens. L’intérêt aussi était qu’ils venaient de toute l’Indonésie, enfin essentiellement Java, Sumatra, Sulawesi et quelques-uns de Kalimantan aussi. Très peu ont été a l’université, et en général pas pour bien longtemps. La plupart sont mariés, parfois plusieurs fois (la polygamie est autorisée pour les musulmans) et ont des gosses, parfois 5 ou 6. Comme je l’ai déjà dit c’est pas des mecs très fins en général, mais franchement pas méchants et même un peu timides sur les bords. Entre eux ils font les malins mais en face de moi la plupart cachaient leur « vraie » nature pour essayer de passer pour des bons gars. Alors qu’ils essayaient d’engrener un de mes collègues (qui a eu le malheur de dire qu’il était célibataire) pour aller au coin a putes de Badak, aucun n’a jamais admis devant moi y aller (alors que les 3/4 y vont très régulièrement).
A la fin aussi, mon boulot était un peu plus intéressant car je testais des équipements en opération, donc j’avais une petite responsabilité et un vrai rôle dans l’équipe. Le boulot sur le terrain n’est pas facile tous les jours, mais en même temps ca donne l’occasion d’avoir des relations de travail d’un genre totalement différent, on fait vraiment partie d’une équipe, les conditions difficiles soudent plus que le partage d’un bureau et d’une machine a café. Au bout d’une semaine avec la même équipe, je me suis presque sentie triste de partir, même si ca n’a pas duré bien longtemps… Le programme du weekend de retour à la civilisation était bien chargé.
jeudi 17 mai 2007
Une première page tournée…
Apres deux mois et demi passés a Cikarang et pour une bonne partie a Jakarta (entre les week-ends, les entrainement d’ultimate le jeudi et mes fréquentes visites chez le médecin), et même pour une petite partie ailleurs (week-end a Jogjakarta, ou la désillusion du tourisme, week-end sac a dos entre Bogor et Bandung, ou le retour face a moi-même, week-end a Pelabuhan Ratu ou le calme (trop calme ?) de la plage), le moment tant attendu et craint a la fois est arrivé : je suis partie pour passer mon premier mois sur le terrain. Objectif : me former au slickline (après trois semaines de formation parfois soporifiques, parfois plutôt marrantes) et prendre la relève pour des tests de câble.
Un petit bilan de ces deux mois et demi s’impose. Je ne me sens plus comme la fille fraichement débarquée, fraichement plus au chômage et fraichement volontairement arrachée a son univers connu et maitrisé. En ces quelques semaines j’ai appris à m’adapter à cette vie, au boulot et aux collègues, aux indonésiens aussi en général, même si la généralité est difficile à voir ici. Je sais ou acheter ce dont j’ai besoin, ou sortir et a qui m’adresser et comment. Enfin même si je m’arrache encore un peu les cheveux sur un des chauffeurs par exemple. Mais deux mois et demi c’est court, et je m’aperçois que c’est à peu près au moment ou je commence à me plaire par moi-même que je dois partir. C'est-à-dire que j’ai passé l’étape d’émerveillement ou je suivais mes collègues et colocs et abreuvais mes yeux grands ouverts d’impressions grisantes, suivie de l’étape d’étouffement ou je me demandais ce que je foutais la a ne connaitre personne et au milieu de gens dont la culture et les mœurs me paraissaient plus obscurs et illogiques chaque jour. J’étais en plein dans la phase d’émancipation vis-à-vis des collègues expatriés et de construction de ma propre vie.
Mais quelque chose que j’ai appris au cours de mes séjours dans des pays très différents est qu’on commence réellement à apprécier être quelque part quand on sent que cela aura une fin. Enfin ca vaut pour moi bien sur et ca sous-entend qu’il y a des choses appréciables et des choses plus difficiles a vivre. C’est le cas pour ma vie a Cikarang-Jakarta (je ne dissocie pas les 2 car je n’envisage pas de vivre a Cikarang et ne jamais aller a Jakarta). Cikarang n’est pour moi que la ville ou mon boulot et ma maison se trouvent, et pour la maison c’est vraiment car je n’ai pas eu le choix (je préférerais 100 fois habiter a Jakarta, même si il y a une heure de route (en même temps, quand c’est un chauffeur qui conduit, ca donne les avantages de la voiture et ceux du train en même temps, sans les inconvénients a part les embouteillages). Une ville industrielle donc, ou il n’y a pas grand-chose a faire et qui est un peu arriérée même. Enfin encore une fois je ne me plains pas, et le contraste avec Jakarta est assez intéressant, j’adore les contrastes. Jakarta donc, a évolué dans mon esprit beaucoup plus que Cikarang. C’est marrant quand on arrive quelque part on a une vision de cet endroit, et si on y repense quelques mois plus tard, la vision est différente, un peu comme les images en 3D qu’on voit apparaitre en louchant ou en éloignant petit a petit l’image sans refaire la mise au point. Jakarta c’est comme ca pour moi, mais Cikarang non. Peut-être que je n’ai pas capté la magie de Cikarang, peut-être parce qu’il n’y en a pas. Jakarta était au début pour moi un immense chaos, une juxtaposition de buildings modernes, de constructions aussi gigantesques, de bidonvilles, de petits bouts d’exotisme (les chèvres qui courent dans les rues, les petites voitures a trois roues, les stands de nourriture, les devantures un peu miteuses des magasins), parcouru en tous sens par des autoroutes grouillantes de 4x4, de motos de toutes sortes sur lesquelles une famille entière peut être juchée, le plus naturellement du monde. L’impression d’être étrangère a tout ca n’est pas facile a estomper, en particulier quand je voyais tout a travers les vitres de la voiture, a l’arrière, conduite par un chauffeur avec qui la communication n’est pas toujours évidente. Les sorties de voiture se font a l’entrée même des centres commerciaux, restaurants, hôtels de luxe, séparés des rues (ou plutôt avenues ou boulevards) et du commun des indonésiens. On a l’impression de pénétrer dans un des mondes de Jakarta, mais une fois qu’on y est, on est comme transporté en Europe, ou peut-être aux Etats-Unis ou en Australie, mais tout ca est un peu égal comparé à l’Indonésie. Petit a petit on s’aperçoit que ce monde existe aussi par opposition au monde extérieur, celui de la rue et des vrais indonésiens. Mais il n’est pas facile a approcher, car c’est de monde-ci qu’on est vraiment étranger, et le verdict est sans appel : il est écrit sur notre visage, et on l’entend partout ou l’on va hors de notre petit monde d’expatriés : bule ! Mais les images, les odeurs (pas toujours agréables, ni les unes ni les autres, j’en conviens, mais la recherche de l’authenticité est parfois a ce prix), les échanges sont alors ce que je suis venue chercher ici, même si ce n’est pas ce que j’attendais. Mais je ne sais pas bien ce que j’attendais…
Il n’y a pas la plupart du temps d’agressivité ou de dédain réel dans la façon qu’ont les indonésiens de toujours nous rappeler qu’on n’est pas chez nous, qu’on est différents et qu’ils le voient bien. J’ai déjà parlé de ce qui se fait ici et pas chez nous, je pense que pour eux c’est normal. Enfin parfois c’est fatigant, mais je vois surtout de l’envie et de la curiosité dans les yeux dont je croise le regard, et je ne peux pas m’empêcher d’être heureuse d’être moi et pas eux…
Maintenant je connais le monde auquel je suis sensée appartenir ici, même si j’ai du m’y habituer car il est d’un niveau « friqué » et chicos bien plus élevé que le mien en France, au Brésil ou dans les autres pays ou j’ai eu l’occasion d’aller. J’y ai rencontré d’autres jeunes expatriés comme moi qui ont aussi senti le contraste et les contradictions de Jakarta et s’y sont sentis perdus, mais ont finalement trouvé l’exotisme et les charmes de ce monde, comme j’étais aussi en train de les découvrir. Mais le bon point que je tire de cette impression de partir trop tôt sur le terrain, c’est que j’ai réussi la première phase de mon séjour en Indonésie : je me suis adaptée, et je me suis approprié mon nouvel univers. Mais c’est un autre monde encore dans lequel je viens d’arriver, et un nouveau challenge m’attend…
Un autre bon point dans la difficile adaptation a un nouvel environnement, loin de ses points de repères, de ses amis et de sa famille, et aussi a une nouvelle vie en général puisque c’est aussi le début de ma vie professionnelle, de mon indépendance sur tous les plans, c’est que dans des moments aussi éprouvants je suis obligée de prendre le temps de faire le point, de me demander ce que vraiment je cherche, de voir comment vraiment je réagis a des situations inédites. J’apprends a me connaitre finalement, et j’ai l’occasion d’essayer de m’améliorer, d’avancer et de me construire plus que dans une vie tracée, sécurisante et familière. A bientôt pour le récit de mes aventures dans les exploitations pétrolières de Bornéo !
Un petit bilan de ces deux mois et demi s’impose. Je ne me sens plus comme la fille fraichement débarquée, fraichement plus au chômage et fraichement volontairement arrachée a son univers connu et maitrisé. En ces quelques semaines j’ai appris à m’adapter à cette vie, au boulot et aux collègues, aux indonésiens aussi en général, même si la généralité est difficile à voir ici. Je sais ou acheter ce dont j’ai besoin, ou sortir et a qui m’adresser et comment. Enfin même si je m’arrache encore un peu les cheveux sur un des chauffeurs par exemple. Mais deux mois et demi c’est court, et je m’aperçois que c’est à peu près au moment ou je commence à me plaire par moi-même que je dois partir. C'est-à-dire que j’ai passé l’étape d’émerveillement ou je suivais mes collègues et colocs et abreuvais mes yeux grands ouverts d’impressions grisantes, suivie de l’étape d’étouffement ou je me demandais ce que je foutais la a ne connaitre personne et au milieu de gens dont la culture et les mœurs me paraissaient plus obscurs et illogiques chaque jour. J’étais en plein dans la phase d’émancipation vis-à-vis des collègues expatriés et de construction de ma propre vie.
Mais quelque chose que j’ai appris au cours de mes séjours dans des pays très différents est qu’on commence réellement à apprécier être quelque part quand on sent que cela aura une fin. Enfin ca vaut pour moi bien sur et ca sous-entend qu’il y a des choses appréciables et des choses plus difficiles a vivre. C’est le cas pour ma vie a Cikarang-Jakarta (je ne dissocie pas les 2 car je n’envisage pas de vivre a Cikarang et ne jamais aller a Jakarta). Cikarang n’est pour moi que la ville ou mon boulot et ma maison se trouvent, et pour la maison c’est vraiment car je n’ai pas eu le choix (je préférerais 100 fois habiter a Jakarta, même si il y a une heure de route (en même temps, quand c’est un chauffeur qui conduit, ca donne les avantages de la voiture et ceux du train en même temps, sans les inconvénients a part les embouteillages). Une ville industrielle donc, ou il n’y a pas grand-chose a faire et qui est un peu arriérée même. Enfin encore une fois je ne me plains pas, et le contraste avec Jakarta est assez intéressant, j’adore les contrastes. Jakarta donc, a évolué dans mon esprit beaucoup plus que Cikarang. C’est marrant quand on arrive quelque part on a une vision de cet endroit, et si on y repense quelques mois plus tard, la vision est différente, un peu comme les images en 3D qu’on voit apparaitre en louchant ou en éloignant petit a petit l’image sans refaire la mise au point. Jakarta c’est comme ca pour moi, mais Cikarang non. Peut-être que je n’ai pas capté la magie de Cikarang, peut-être parce qu’il n’y en a pas. Jakarta était au début pour moi un immense chaos, une juxtaposition de buildings modernes, de constructions aussi gigantesques, de bidonvilles, de petits bouts d’exotisme (les chèvres qui courent dans les rues, les petites voitures a trois roues, les stands de nourriture, les devantures un peu miteuses des magasins), parcouru en tous sens par des autoroutes grouillantes de 4x4, de motos de toutes sortes sur lesquelles une famille entière peut être juchée, le plus naturellement du monde. L’impression d’être étrangère a tout ca n’est pas facile a estomper, en particulier quand je voyais tout a travers les vitres de la voiture, a l’arrière, conduite par un chauffeur avec qui la communication n’est pas toujours évidente. Les sorties de voiture se font a l’entrée même des centres commerciaux, restaurants, hôtels de luxe, séparés des rues (ou plutôt avenues ou boulevards) et du commun des indonésiens. On a l’impression de pénétrer dans un des mondes de Jakarta, mais une fois qu’on y est, on est comme transporté en Europe, ou peut-être aux Etats-Unis ou en Australie, mais tout ca est un peu égal comparé à l’Indonésie. Petit a petit on s’aperçoit que ce monde existe aussi par opposition au monde extérieur, celui de la rue et des vrais indonésiens. Mais il n’est pas facile a approcher, car c’est de monde-ci qu’on est vraiment étranger, et le verdict est sans appel : il est écrit sur notre visage, et on l’entend partout ou l’on va hors de notre petit monde d’expatriés : bule ! Mais les images, les odeurs (pas toujours agréables, ni les unes ni les autres, j’en conviens, mais la recherche de l’authenticité est parfois a ce prix), les échanges sont alors ce que je suis venue chercher ici, même si ce n’est pas ce que j’attendais. Mais je ne sais pas bien ce que j’attendais…
Il n’y a pas la plupart du temps d’agressivité ou de dédain réel dans la façon qu’ont les indonésiens de toujours nous rappeler qu’on n’est pas chez nous, qu’on est différents et qu’ils le voient bien. J’ai déjà parlé de ce qui se fait ici et pas chez nous, je pense que pour eux c’est normal. Enfin parfois c’est fatigant, mais je vois surtout de l’envie et de la curiosité dans les yeux dont je croise le regard, et je ne peux pas m’empêcher d’être heureuse d’être moi et pas eux…
Maintenant je connais le monde auquel je suis sensée appartenir ici, même si j’ai du m’y habituer car il est d’un niveau « friqué » et chicos bien plus élevé que le mien en France, au Brésil ou dans les autres pays ou j’ai eu l’occasion d’aller. J’y ai rencontré d’autres jeunes expatriés comme moi qui ont aussi senti le contraste et les contradictions de Jakarta et s’y sont sentis perdus, mais ont finalement trouvé l’exotisme et les charmes de ce monde, comme j’étais aussi en train de les découvrir. Mais le bon point que je tire de cette impression de partir trop tôt sur le terrain, c’est que j’ai réussi la première phase de mon séjour en Indonésie : je me suis adaptée, et je me suis approprié mon nouvel univers. Mais c’est un autre monde encore dans lequel je viens d’arriver, et un nouveau challenge m’attend…
Un autre bon point dans la difficile adaptation a un nouvel environnement, loin de ses points de repères, de ses amis et de sa famille, et aussi a une nouvelle vie en général puisque c’est aussi le début de ma vie professionnelle, de mon indépendance sur tous les plans, c’est que dans des moments aussi éprouvants je suis obligée de prendre le temps de faire le point, de me demander ce que vraiment je cherche, de voir comment vraiment je réagis a des situations inédites. J’apprends a me connaitre finalement, et j’ai l’occasion d’essayer de m’améliorer, d’avancer et de me construire plus que dans une vie tracée, sécurisante et familière. A bientôt pour le récit de mes aventures dans les exploitations pétrolières de Bornéo !
mercredi 25 avril 2007
Sorry Mister !
Un Occidental qui a affaire avec des Indonésiens au quotidien, dans un cadre hors-touristique (je reviendrai plus tard sur le cadre touristique), voit apparaitre et bien sur reparaitre un certain nombre de mots-clés, qui peuvent être interprétés de différentes manières, selon la psychologie et l’état d’esprit de chacun (occidental).
Le mot-clé numéro un sera, comme le titre l’indique, « Sorry Mister ». En fait cette expression peut se diviser en deux mots, on verra qu’il y a dire sur le « Mister ». Mais alors pourquoi l’introduire dans l’expression et pas individuellement ? Parce que le sorry s’entend rarement sans le Mister, je soupçonne même que l’équivalent indonésien (Maaf Pak) ne s’entende pas autant. Le « sorry » serait donc une expression « spécial bule », ou plus qu’une expression un aspect relationnel ? Beaucoup d’Indonésiens l’emploient au moment de demander quelque chose, que ce soit une faveur ou un simple renseignement. Finalement on l’entend tellement qu’il perd son aspect d’excuse. Surtout quand il est suivi d’un petit rire nerveux. Bon pour la décharge du rire nerveux, il paraitrait qu’en Asie il puisse également exprimer un malaise, et plutôt que de faire mauvaise figure, on rit bêtement… Donc le rire nerveux n’est pas si déplacé que ca quand on y réfléchit. Et justement pour rester dans ce registre, parmi les aspects des comportements sociaux, il n’est pas du tout bien vu de s’énerver, cela équivaut a perdre la face. Or justement en Europe (en France) on s’énerve facilement, en tout cas on hausse facilement le ton (l’aspect râleur) et du coup les Indonésiens doivent interpréter ca comme un mécontentement très fort, alors que pour nous c’est juste une réclamation. D’où la réaction apeurée et maladroite du « Sorry Mister », alors qu’ils doivent se dire quels cons ces Blancs de n’énerver pour rien. En effet quand on parcourt des guides de voyages ou méthodes de langue, on peut lire que rien n’est jamais un problème en Indonésie, tout se résout avec le sourire etc. Mais c’est plutôt un point de vue de touriste, et encore je pense de touriste un peu trop généreux (on sera plus facilement arrangeant avec une bonne poire qu’on aura bien pressée…). Mais quand on bosse ou vit en Indonésie, on est parfois moins prêts à céder aux coutumes locales et puis c’est moins marrant quand même, on ne voit pas souvent la plage, les volcans et les jolis hôtels… on peut ajouter a ca le stress du boulot, les cafards dans la baraque, les embouteillages continuels, le toit qui fuit, l’internet qui n’arrive pas, la bouffe pas top, les parasites intestinaux, etc.
Le truc marrant aussi, c’est que cet excès de « sorry » peut paraitre pour de l’éducation un peu trop rigide, du genre surtout il ne faut déranger personne, rester bien a sa place et respecter son prochain. Mais quand on voit les comportements collectifs indonésiens, il y a de quoi se poser des questions sur l’éducation. Je passerai sur le fait d’être ouvertement dévisagé, finalement nous les Blancs on n’est pas chez nous, on est des curiosités. Quand j’étais en stage il y a deux ans j’étais partie en Champagne avec deux potes du boulot pour une opération (ce que je suis en train d’apprendre en formation en ce moment, le slickline), et l’un des deux est Arabe. On avait été tous les deux faire des courses au supermarché du coin et il m’avait glissé « Abusé, tout le monde me dévisage ». Ben oui ils n’avaient presque jamais vu d’Arabe dans leur campagne champenoise ! Mais il n’y a pas que le fait d’être dévisagé : il y a aussi les montées ou descentes de bus ou de train, ou les déplacements dans la foule en boite : il n’y a aucun respect, des vieux, des jeunes, de la logique du « je laisse sortir pour entrer plus facilement », du savoir-vivre : tout le monde se bouscule, pour arriver le premier (ou ?). Je passerai aussi sur le fait de roter et cracher en public (dans le bus, les gens crachent devant leur siège). Mais c’est pas étonnant, apparemment ici les enfants sont à peine éduqués, ils sont très libres et font tout et n’importe quoi sous l’œil attendri voire bienveillant des parents. Mais comme je le sais par expérience personnelle (se prendre des fessées quand on est gosse, ca sert a quelque chose finalement), et pour l’avoir entendu a ma remise de diplôme de Centrale « L’autorité est un service ». Ca peut s’interpréter de différentes façons, mais pour moi faire preuve d’autorité c’est rendre service aux gens et en premier lieu a ses enfants. Bref un samedi après-midi j’étais dans un grand centre commercial a Jakarta et un gosse m’a bousculée et a du même coup renverse une pile de bouquins. Il s’est à peine retourné et a continué ses conneries sans que ses parents ne disent rien. Perso j’ai du mal avec les gosses mal élevés, du coup je l’ai appelé (en fait sifflé, du petit pschitt brésilien) et je lui ai montré les bouquins qu’il avait fait tomber. Et bien ce petit diable a couru pour tout ramasser ! J’avoue que j’étais sur le cul, mais je me suis aperçue que ce gosse ne demandait peut-être que ca, être un peu suivi. Bref du coup selon certains ils ne sont pas éduqués donc font les cons quand ils sont gosses et ensuite a l’adolescence se ramollissent (c’est la tendance naturelle, rien d’indonésien là-dedans) sans qu’il y ait plus de réaction paternelle ou maternelle ni de la part des autorités annexes (je passerai sur le système éducatif pour cette fois). Et du coup beaucoup resteraient mous à l’âge adulte. Enfin je ne veux pas généraliser, c’est une tendance…
Et on en vient doucement au mot-clé suivant : « Maybe later », qu’on va relier au « Besok », qui veut dire « demain » dans les traductions basiques mais en fait plutôt « dans le futur mais ce qui est sur c’est pas aujourd’hui ». L’interprétation que j’en fais serait donc : « Pourquoi faire aujourd’hui ce que tu peux faire seulement demain voire même mieux, jamais ? ». Encore une fois on peut décomposer l’expression car « Maybe » est un mot-clé aussi, exprimant en général une farouche volonté de ne jamais se mouiller, de surtout ne pas prendre de responsabilités dans une décision ou un travail accompli (ou pas accompli justement). Bref encore des mots-clés qui ont le don d’énerver les managers occidentaux (enfin en passant si on prend la main d’œuvre pas chère on prend aussi ses inconvénients par rapport a la main d’œuvre chère… normal, du coup ceux que je connais le prennent avec le sourire).
Pour en revenir a la décomposition du premier mot-clé, je vais faire un rapide commentaire sur le « Mister ». Comme on le sait, Mister veut dire Monsieur en anglais. Quoique théoriquement on ne l’écrive jamais comme ca mais simplement Mr. Enfin c’est un détail. Bref pour une grande majorité des Indonésiens le vocabulaire anglais se résume à « Hello Mister ». Le truc c’est qu’ils ne savent pas tous que Mister veut dire Monsieur et n’est pas une formule de politesse à employer avec tous les Blancs, donc les femmes blanches se font fréquemment appeler Mister en Indonésie… ou alors Mrs, beaucoup plus rarement Miss…
Passons maintenant au point de vue touristique. Peut-être que mon point de vue touristique est un peu faussé par mon expérience préliminaire d’expatriée, mais finalement mais je vois que les deux points de vue se complètent et ne se contredisent pas vraiment. Attention ceci dit, depuis le début je parle d’Indonésiens mais (quart d’heure géographique et culturel) l’Indonésie est un archipel qui s’étend sur une surface de l’ordre de l’Europe de l’Ouest, et est peuplé d’environ 250 millions d’habitants. Or les cultures, coutumes et comportements varient beaucoup d’une région à l’autre de l’Indonésie (en gros d’une grande ile à l’autre, parmi lesquelles on peut citer Java, Sumatra, Bornéo, Bali, Sulawesi ou la Papouasie, sachant que Bornéo et la Papouasie n’appartiennent pas entièrement à l’Indonésie). Bref pour l’instant je n’ai visité que Java-Ouest, à savoir Jakarta et Cikarang, un week-end à Jogjakarta et récemment un week-end entre Bogor et Bandung. Donc les gens que j’ai rencontrés peuvent être ‘classés’ dans la catégorie «Java-Ouest ».
En tout cas un truc qui ne surprendra personne, quand on est touriste on se fait harceler par les vendeurs, guides, conducteurs de minibus, groupes de gosses… On est facilement repérables en général, armés de nos sacs a dos et appareils photos, ainsi que casquettes, lunettes de soleil, carte ou guide touristique… la plupart du temps les gens sont sympas et prévenants, quand on est dans un endroit très fréquenté par des bules on n’est pas trop dévisagés, et ca se passe bien (mais on a quand même droit a quelques sorry Mister bien sur). Par contre ce week-end je me suis retrouvée plusieurs fois seule bulette a la ronde et ca n’a pas toujours été facile. Pour commencer les mecs se rappelaient en me voyant que bule=dollars, donc cible à plumer, ce qui fait que j’étais encore plus harcelée que d’habitude. Et en plus si je n’étais pas intéressée, j’avais droit a deux réactions selon les gens : soit ignorance totale (genre le minibus qui a failli me rouler sur le pied en repartant car ce n’était pas ma direction) soit harcèlement : tu dis non ? Je repose la même question ! Dix fois s’il le faut, genre à l’usure je vais peut-être changer d’avis. Encore une fois ca peut être difficile de ne pas s’énerver. En plus quand la proposition est réitérée sur le même ton monocorde et sans conviction, ca n’incite pas à changer d’avis (encore une fois, manque total d’esprit commerçant a mon sens). Mais c’est carrément ridicule quand on sort du bus Bogor-Bandung et qu’un mec te court après pour te faire entrer dans un bus pour Bogor…
Enfin si on met de coté le fait que l’activité préférée de ceux qui ont de près ou de loin affaire a nous semble être d’arnaquer les Blancs (comment leur en vouloir quand on voit les salaires?), les Indonésiens ne sont pas de mauvais bougres dans l’ensemble et même plutôt sympathiques pour certains. Finalement ceux que je ne trouve pas sympathiques sont ceux qui sont trop insistants ou qui ont l’air trop cons.
Enfin dans les arnaques classique il y a eu : la maid qui demande des sous a un des colocs en lui montrant une facture de teinturerie qui date de 2006 (il est arrivé fin janvier a Jakarta), ou encore mieux les mecs qui vendent des journaux dans la rue ou les gares, ont le Time du jour… sauf que en général c’est celui de l’année d’avant et ils ont coupé le journal juste une toute petite bande ou on voit la date… en gros il faut être toujours aux aguets ici, et réfléchir a deux fois avant de donner de l’argent (sauf si on s’en fout parce qu’on en a plein mais perso je préfère être généreuse en connaissance de cause)
Le mot-clé numéro un sera, comme le titre l’indique, « Sorry Mister ». En fait cette expression peut se diviser en deux mots, on verra qu’il y a dire sur le « Mister ». Mais alors pourquoi l’introduire dans l’expression et pas individuellement ? Parce que le sorry s’entend rarement sans le Mister, je soupçonne même que l’équivalent indonésien (Maaf Pak) ne s’entende pas autant. Le « sorry » serait donc une expression « spécial bule », ou plus qu’une expression un aspect relationnel ? Beaucoup d’Indonésiens l’emploient au moment de demander quelque chose, que ce soit une faveur ou un simple renseignement. Finalement on l’entend tellement qu’il perd son aspect d’excuse. Surtout quand il est suivi d’un petit rire nerveux. Bon pour la décharge du rire nerveux, il paraitrait qu’en Asie il puisse également exprimer un malaise, et plutôt que de faire mauvaise figure, on rit bêtement… Donc le rire nerveux n’est pas si déplacé que ca quand on y réfléchit. Et justement pour rester dans ce registre, parmi les aspects des comportements sociaux, il n’est pas du tout bien vu de s’énerver, cela équivaut a perdre la face. Or justement en Europe (en France) on s’énerve facilement, en tout cas on hausse facilement le ton (l’aspect râleur) et du coup les Indonésiens doivent interpréter ca comme un mécontentement très fort, alors que pour nous c’est juste une réclamation. D’où la réaction apeurée et maladroite du « Sorry Mister », alors qu’ils doivent se dire quels cons ces Blancs de n’énerver pour rien. En effet quand on parcourt des guides de voyages ou méthodes de langue, on peut lire que rien n’est jamais un problème en Indonésie, tout se résout avec le sourire etc. Mais c’est plutôt un point de vue de touriste, et encore je pense de touriste un peu trop généreux (on sera plus facilement arrangeant avec une bonne poire qu’on aura bien pressée…). Mais quand on bosse ou vit en Indonésie, on est parfois moins prêts à céder aux coutumes locales et puis c’est moins marrant quand même, on ne voit pas souvent la plage, les volcans et les jolis hôtels… on peut ajouter a ca le stress du boulot, les cafards dans la baraque, les embouteillages continuels, le toit qui fuit, l’internet qui n’arrive pas, la bouffe pas top, les parasites intestinaux, etc.
Le truc marrant aussi, c’est que cet excès de « sorry » peut paraitre pour de l’éducation un peu trop rigide, du genre surtout il ne faut déranger personne, rester bien a sa place et respecter son prochain. Mais quand on voit les comportements collectifs indonésiens, il y a de quoi se poser des questions sur l’éducation. Je passerai sur le fait d’être ouvertement dévisagé, finalement nous les Blancs on n’est pas chez nous, on est des curiosités. Quand j’étais en stage il y a deux ans j’étais partie en Champagne avec deux potes du boulot pour une opération (ce que je suis en train d’apprendre en formation en ce moment, le slickline), et l’un des deux est Arabe. On avait été tous les deux faire des courses au supermarché du coin et il m’avait glissé « Abusé, tout le monde me dévisage ». Ben oui ils n’avaient presque jamais vu d’Arabe dans leur campagne champenoise ! Mais il n’y a pas que le fait d’être dévisagé : il y a aussi les montées ou descentes de bus ou de train, ou les déplacements dans la foule en boite : il n’y a aucun respect, des vieux, des jeunes, de la logique du « je laisse sortir pour entrer plus facilement », du savoir-vivre : tout le monde se bouscule, pour arriver le premier (ou ?). Je passerai aussi sur le fait de roter et cracher en public (dans le bus, les gens crachent devant leur siège). Mais c’est pas étonnant, apparemment ici les enfants sont à peine éduqués, ils sont très libres et font tout et n’importe quoi sous l’œil attendri voire bienveillant des parents. Mais comme je le sais par expérience personnelle (se prendre des fessées quand on est gosse, ca sert a quelque chose finalement), et pour l’avoir entendu a ma remise de diplôme de Centrale « L’autorité est un service ». Ca peut s’interpréter de différentes façons, mais pour moi faire preuve d’autorité c’est rendre service aux gens et en premier lieu a ses enfants. Bref un samedi après-midi j’étais dans un grand centre commercial a Jakarta et un gosse m’a bousculée et a du même coup renverse une pile de bouquins. Il s’est à peine retourné et a continué ses conneries sans que ses parents ne disent rien. Perso j’ai du mal avec les gosses mal élevés, du coup je l’ai appelé (en fait sifflé, du petit pschitt brésilien) et je lui ai montré les bouquins qu’il avait fait tomber. Et bien ce petit diable a couru pour tout ramasser ! J’avoue que j’étais sur le cul, mais je me suis aperçue que ce gosse ne demandait peut-être que ca, être un peu suivi. Bref du coup selon certains ils ne sont pas éduqués donc font les cons quand ils sont gosses et ensuite a l’adolescence se ramollissent (c’est la tendance naturelle, rien d’indonésien là-dedans) sans qu’il y ait plus de réaction paternelle ou maternelle ni de la part des autorités annexes (je passerai sur le système éducatif pour cette fois). Et du coup beaucoup resteraient mous à l’âge adulte. Enfin je ne veux pas généraliser, c’est une tendance…
Et on en vient doucement au mot-clé suivant : « Maybe later », qu’on va relier au « Besok », qui veut dire « demain » dans les traductions basiques mais en fait plutôt « dans le futur mais ce qui est sur c’est pas aujourd’hui ». L’interprétation que j’en fais serait donc : « Pourquoi faire aujourd’hui ce que tu peux faire seulement demain voire même mieux, jamais ? ». Encore une fois on peut décomposer l’expression car « Maybe » est un mot-clé aussi, exprimant en général une farouche volonté de ne jamais se mouiller, de surtout ne pas prendre de responsabilités dans une décision ou un travail accompli (ou pas accompli justement). Bref encore des mots-clés qui ont le don d’énerver les managers occidentaux (enfin en passant si on prend la main d’œuvre pas chère on prend aussi ses inconvénients par rapport a la main d’œuvre chère… normal, du coup ceux que je connais le prennent avec le sourire).
Pour en revenir a la décomposition du premier mot-clé, je vais faire un rapide commentaire sur le « Mister ». Comme on le sait, Mister veut dire Monsieur en anglais. Quoique théoriquement on ne l’écrive jamais comme ca mais simplement Mr. Enfin c’est un détail. Bref pour une grande majorité des Indonésiens le vocabulaire anglais se résume à « Hello Mister ». Le truc c’est qu’ils ne savent pas tous que Mister veut dire Monsieur et n’est pas une formule de politesse à employer avec tous les Blancs, donc les femmes blanches se font fréquemment appeler Mister en Indonésie… ou alors Mrs, beaucoup plus rarement Miss…
Passons maintenant au point de vue touristique. Peut-être que mon point de vue touristique est un peu faussé par mon expérience préliminaire d’expatriée, mais finalement mais je vois que les deux points de vue se complètent et ne se contredisent pas vraiment. Attention ceci dit, depuis le début je parle d’Indonésiens mais (quart d’heure géographique et culturel) l’Indonésie est un archipel qui s’étend sur une surface de l’ordre de l’Europe de l’Ouest, et est peuplé d’environ 250 millions d’habitants. Or les cultures, coutumes et comportements varient beaucoup d’une région à l’autre de l’Indonésie (en gros d’une grande ile à l’autre, parmi lesquelles on peut citer Java, Sumatra, Bornéo, Bali, Sulawesi ou la Papouasie, sachant que Bornéo et la Papouasie n’appartiennent pas entièrement à l’Indonésie). Bref pour l’instant je n’ai visité que Java-Ouest, à savoir Jakarta et Cikarang, un week-end à Jogjakarta et récemment un week-end entre Bogor et Bandung. Donc les gens que j’ai rencontrés peuvent être ‘classés’ dans la catégorie «Java-Ouest ».
En tout cas un truc qui ne surprendra personne, quand on est touriste on se fait harceler par les vendeurs, guides, conducteurs de minibus, groupes de gosses… On est facilement repérables en général, armés de nos sacs a dos et appareils photos, ainsi que casquettes, lunettes de soleil, carte ou guide touristique… la plupart du temps les gens sont sympas et prévenants, quand on est dans un endroit très fréquenté par des bules on n’est pas trop dévisagés, et ca se passe bien (mais on a quand même droit a quelques sorry Mister bien sur). Par contre ce week-end je me suis retrouvée plusieurs fois seule bulette a la ronde et ca n’a pas toujours été facile. Pour commencer les mecs se rappelaient en me voyant que bule=dollars, donc cible à plumer, ce qui fait que j’étais encore plus harcelée que d’habitude. Et en plus si je n’étais pas intéressée, j’avais droit a deux réactions selon les gens : soit ignorance totale (genre le minibus qui a failli me rouler sur le pied en repartant car ce n’était pas ma direction) soit harcèlement : tu dis non ? Je repose la même question ! Dix fois s’il le faut, genre à l’usure je vais peut-être changer d’avis. Encore une fois ca peut être difficile de ne pas s’énerver. En plus quand la proposition est réitérée sur le même ton monocorde et sans conviction, ca n’incite pas à changer d’avis (encore une fois, manque total d’esprit commerçant a mon sens). Mais c’est carrément ridicule quand on sort du bus Bogor-Bandung et qu’un mec te court après pour te faire entrer dans un bus pour Bogor…
Enfin si on met de coté le fait que l’activité préférée de ceux qui ont de près ou de loin affaire a nous semble être d’arnaquer les Blancs (comment leur en vouloir quand on voit les salaires?), les Indonésiens ne sont pas de mauvais bougres dans l’ensemble et même plutôt sympathiques pour certains. Finalement ceux que je ne trouve pas sympathiques sont ceux qui sont trop insistants ou qui ont l’air trop cons.
Enfin dans les arnaques classique il y a eu : la maid qui demande des sous a un des colocs en lui montrant une facture de teinturerie qui date de 2006 (il est arrivé fin janvier a Jakarta), ou encore mieux les mecs qui vendent des journaux dans la rue ou les gares, ont le Time du jour… sauf que en général c’est celui de l’année d’avant et ils ont coupé le journal juste une toute petite bande ou on voit la date… en gros il faut être toujours aux aguets ici, et réfléchir a deux fois avant de donner de l’argent (sauf si on s’en fout parce qu’on en a plein mais perso je préfère être généreuse en connaissance de cause)
jeudi 5 avril 2007
Le cafard dans la salle de bains
Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi ce titre, mais je trouve que ca sonne plutôt bien.
Ce n’est pas par hasard non plus, mercredi dernier en rentrant chez moi j’ai trouvé un charmant cafard qui se baladait autour de ma douche. Apres un combat épique contre cet intrus extrêmement combatif, j’ai enfin réussi à le mettre KO puis a le transvaser dans la poubelle, en un seul morceau… Un grand moment d’émotion pour moi (mon premier combat contre un cafard, car au Brésil j’avais lâchement fui devant l’ennemi). En même temps quand on y pense, un cafard c’est peut-être sale mais à part ca, ca ne mord pas que je sache, ou ca ne pique pas… mais par contre qu’est-ce que c’est moche ! Et ca a un nom qui n’inspire pas confiance. Et puis les antennes, je ne sais pourquoi mais ca me dégoute. En parlant d’antennes j’ai eu une petite pensée pour mes amis arachnophobes, car les toilettes ou je me change au boulot quand je dois mettre un bleu de travail sont colonisées par une famille de grosses araignées… bon c’est le type avec des longues pattes toutes fines et un tout petit corps, je les trouve pas top moches celles-là. J’ai aussi vu une petite grenouille toute mignonne près de ‘ma’ machine, ca a l’air de dégouter particulièrement les Indonésiens (ceci dit il parait que certaines peuvent filer des maladies). Pour rester dans les bestioles, qu’est-ce qu’on peut voir a Jakarta ? Toujours au boulot il y a pas mal de chats, d’ailleurs il y a un détail qui m’intrigue chez eux c’est que la plupart ont la queue coupée. Et je ne sais pas encore pourquoi (est-ce qu’il y a une superstition locale, ou une malformation génétique ?). Sinon il y a tous les insectes imaginables, en particulier les classiques moustiques, moucherons, sauterelles, libellules, papillons et lézards (appelés tchi-tcha). Des chauves-souris aussi, et j’ai même vu un singe attaché dans un jardin a Kemang (quartier huppé de Jakarta). Pour finir il y a aussi quelques rats dans mon quartier, mais je n’en ai jamais vu dans la maison (heureusement).
En parlant de chauves-souris, il y a une espèce toute particulière qui envahit les bars de Jakarta, appelée la batturfly, de bat (chauve-souris) et butterfly (papillon), soit un corps de papillon et un visage de chauve-souris… la ‘métaphore’ n’est pas de moi, mais je l’ai trouvée rigolote. Bref la batterfly a une proie favorite : l’expatrié, avec son gros portefeuille, en recherche de viande fraiche locale (je vais essayer de ne pas juger). Donc ca peut se traduite par un dialogue du genre :
Expat: “Hello! What is your name?
Batterfly: 50 000 rupiahs!” (environ 5 euro)
On peut aller plus loin et plus cher bien sur, je ne vais pas vous faire un dessin…
Il y en a de plusieurs espèces, celles en quête d’un mari ou en tout cas d’un copain généreux, et les prostituées avérées, surveillées par la mère maquerelle et qui se coachent entre elles (Regarde celui-là il est tout seul et tout bourré on peut se faire de la tune) ou danse comme des gogo-danceuses (enfin essayent parce qu’elles ne savent pas danser en général) sur le bar pour attirer l’expat en rut.
Il y a aussi différents genres de bars ou les trouver : les endroits les plus chics, dans les vraiment grands hôtels, rassemblent les spécimens les plus chics aussi. Il y a ensuite les bars pour expats « classiques », ou on trouve surtout la batterfly timide et qu’on ne peut pas appeler pute en général (il doit y en avoir aussi, mais c’est discret) et enfin les bars glauques dans le « Block M », ou on voit clairement les mères maquerelles surveiller leurs pouliches qui dansent sur le bar. C’était notre dernière destination vendredi soir, et j’avoue mon penchant pour les endroits un peu trash (favelas et autres) mais après 2h là-dedans j’étais un peu dégoutée. Mais j’ai rigolé aussi, bien sur. En autre quand j’ai jeté un œil sur les filles qui dansaient sur le bar. Elles étaient toutes habillées comme des s…… avec des mini mini jupes et des hauts qui s’apparentaient plus à des soutifs. Elles étaient en général pas mal foutues, mais certaines avaient une petite bedaine, et l’une, qui avait un des corps les mieux, avait par contre un visage un peu bizarre et… il lui manquait 2 dents, pas exactement au milieu mais bien visibles en tout cas… la batterfly dans toute sa splendeur. A part ca je rigole mais je plains ces pauvres filles, et je suis bien contente d’être à ma place et pas a la leur. Tiens d’ailleurs une des maquerelles a essayé de me recruter, j’ai bien rigolé.
Sur le sujet des expats il y a encore beaucoup à dire, et entre autres que les différences culturelles a Jakarta ne se trouvent pas seulement entres expats et Indonésiens mais aussi entre différentes nationalités d’expats. C’est quelque chose que j’ai eu tendance à oublier, mais qui est bien réel. Il y a les sujets de conversations ou on n’arrive pas à participer, comme par exemple les donuts (on ne mange pas trop de donuts en France, en plus entre nous c’est degueu les donuts). Donc les donuts, en Indonésie, en Australie et aux Etats-Unis. Il paraitrait qu’en Indonésie pas mal de gens commandent 10 donuts et les mangent tous seuls en 1/2h, donc ca fait bien rigoler les Ricains et Australiens, qui au début ne comprennent pas quand ils vont dans un café ricain et commandent un donut, on leur en apporte 3 ou 4. Il faut dire que les Indonésiens ne sont pas très forts pour comprendre que tout le monde ne fait pas comme eux. On peut ajouter au « gap » que les Anglo-Saxons en général sont quand même assez proches au niveau culturel (ou au niveau du manque de culture peut-être) et en plus ils ont tous la même langue maternelle donc pour moi c’est pas forcement facile. Imaginez quelqu’un qui parle bien français mais se retrouve dans une soirée avec que des Français, Belges et Québécois qui parlent français comme ils parlent entre eux, c’est pas toujours facile de suivre. Et on est toujours le spécimen qui parle avec un accent bizarre. Mais j’assume et même j’emmerde ces gens qui ne parlent qu’une langue et ne sont même pas foutus d’en apprendre une autre. % (pour une autre différence culturelle, voir le mail « coucou les picards 2 »).
Enfin par moments je me pose vraiment des questions sur l’expatriation, ce que ca m’apporte vraiment mais aussi ce que j’y perds. Parce que finalement je ne suis pas en France pendant ce temps-la, et les gens en France continuent de vivre pendant que je n’y suis pas, construisent des choses et avancent pendant que moi je me débats pour me reconstruire une vie, un équilibre et des relations sociales, et tout est à recommencer quand je repars pour un autre endroit. C’est marrant, c’est un aspect que je n’avais qu’entrevu quand j’étais au Brésil, peut-être parce que je n’y étais que pour 6 mois, dans le cadre des études en plus. Mais la je travaille et la suite logique pour moi du point de vue professionnel sera surement de rester expatriée, en Indonésie ou dans un autre pays. Finalement je ne sais toujours pas ce que je ferai, ni ce que je veux faire dans un an, deux ou même dix ans. Mais c’est cool quand même d’être en Indonésie…
Ce n’est pas par hasard non plus, mercredi dernier en rentrant chez moi j’ai trouvé un charmant cafard qui se baladait autour de ma douche. Apres un combat épique contre cet intrus extrêmement combatif, j’ai enfin réussi à le mettre KO puis a le transvaser dans la poubelle, en un seul morceau… Un grand moment d’émotion pour moi (mon premier combat contre un cafard, car au Brésil j’avais lâchement fui devant l’ennemi). En même temps quand on y pense, un cafard c’est peut-être sale mais à part ca, ca ne mord pas que je sache, ou ca ne pique pas… mais par contre qu’est-ce que c’est moche ! Et ca a un nom qui n’inspire pas confiance. Et puis les antennes, je ne sais pourquoi mais ca me dégoute. En parlant d’antennes j’ai eu une petite pensée pour mes amis arachnophobes, car les toilettes ou je me change au boulot quand je dois mettre un bleu de travail sont colonisées par une famille de grosses araignées… bon c’est le type avec des longues pattes toutes fines et un tout petit corps, je les trouve pas top moches celles-là. J’ai aussi vu une petite grenouille toute mignonne près de ‘ma’ machine, ca a l’air de dégouter particulièrement les Indonésiens (ceci dit il parait que certaines peuvent filer des maladies). Pour rester dans les bestioles, qu’est-ce qu’on peut voir a Jakarta ? Toujours au boulot il y a pas mal de chats, d’ailleurs il y a un détail qui m’intrigue chez eux c’est que la plupart ont la queue coupée. Et je ne sais pas encore pourquoi (est-ce qu’il y a une superstition locale, ou une malformation génétique ?). Sinon il y a tous les insectes imaginables, en particulier les classiques moustiques, moucherons, sauterelles, libellules, papillons et lézards (appelés tchi-tcha). Des chauves-souris aussi, et j’ai même vu un singe attaché dans un jardin a Kemang (quartier huppé de Jakarta). Pour finir il y a aussi quelques rats dans mon quartier, mais je n’en ai jamais vu dans la maison (heureusement).
En parlant de chauves-souris, il y a une espèce toute particulière qui envahit les bars de Jakarta, appelée la batturfly, de bat (chauve-souris) et butterfly (papillon), soit un corps de papillon et un visage de chauve-souris… la ‘métaphore’ n’est pas de moi, mais je l’ai trouvée rigolote. Bref la batterfly a une proie favorite : l’expatrié, avec son gros portefeuille, en recherche de viande fraiche locale (je vais essayer de ne pas juger). Donc ca peut se traduite par un dialogue du genre :
Expat: “Hello! What is your name?
Batterfly: 50 000 rupiahs!” (environ 5 euro)
On peut aller plus loin et plus cher bien sur, je ne vais pas vous faire un dessin…
Il y en a de plusieurs espèces, celles en quête d’un mari ou en tout cas d’un copain généreux, et les prostituées avérées, surveillées par la mère maquerelle et qui se coachent entre elles (Regarde celui-là il est tout seul et tout bourré on peut se faire de la tune) ou danse comme des gogo-danceuses (enfin essayent parce qu’elles ne savent pas danser en général) sur le bar pour attirer l’expat en rut.
Il y a aussi différents genres de bars ou les trouver : les endroits les plus chics, dans les vraiment grands hôtels, rassemblent les spécimens les plus chics aussi. Il y a ensuite les bars pour expats « classiques », ou on trouve surtout la batterfly timide et qu’on ne peut pas appeler pute en général (il doit y en avoir aussi, mais c’est discret) et enfin les bars glauques dans le « Block M », ou on voit clairement les mères maquerelles surveiller leurs pouliches qui dansent sur le bar. C’était notre dernière destination vendredi soir, et j’avoue mon penchant pour les endroits un peu trash (favelas et autres) mais après 2h là-dedans j’étais un peu dégoutée. Mais j’ai rigolé aussi, bien sur. En autre quand j’ai jeté un œil sur les filles qui dansaient sur le bar. Elles étaient toutes habillées comme des s…… avec des mini mini jupes et des hauts qui s’apparentaient plus à des soutifs. Elles étaient en général pas mal foutues, mais certaines avaient une petite bedaine, et l’une, qui avait un des corps les mieux, avait par contre un visage un peu bizarre et… il lui manquait 2 dents, pas exactement au milieu mais bien visibles en tout cas… la batterfly dans toute sa splendeur. A part ca je rigole mais je plains ces pauvres filles, et je suis bien contente d’être à ma place et pas a la leur. Tiens d’ailleurs une des maquerelles a essayé de me recruter, j’ai bien rigolé.
Sur le sujet des expats il y a encore beaucoup à dire, et entre autres que les différences culturelles a Jakarta ne se trouvent pas seulement entres expats et Indonésiens mais aussi entre différentes nationalités d’expats. C’est quelque chose que j’ai eu tendance à oublier, mais qui est bien réel. Il y a les sujets de conversations ou on n’arrive pas à participer, comme par exemple les donuts (on ne mange pas trop de donuts en France, en plus entre nous c’est degueu les donuts). Donc les donuts, en Indonésie, en Australie et aux Etats-Unis. Il paraitrait qu’en Indonésie pas mal de gens commandent 10 donuts et les mangent tous seuls en 1/2h, donc ca fait bien rigoler les Ricains et Australiens, qui au début ne comprennent pas quand ils vont dans un café ricain et commandent un donut, on leur en apporte 3 ou 4. Il faut dire que les Indonésiens ne sont pas très forts pour comprendre que tout le monde ne fait pas comme eux. On peut ajouter au « gap » que les Anglo-Saxons en général sont quand même assez proches au niveau culturel (ou au niveau du manque de culture peut-être) et en plus ils ont tous la même langue maternelle donc pour moi c’est pas forcement facile. Imaginez quelqu’un qui parle bien français mais se retrouve dans une soirée avec que des Français, Belges et Québécois qui parlent français comme ils parlent entre eux, c’est pas toujours facile de suivre. Et on est toujours le spécimen qui parle avec un accent bizarre. Mais j’assume et même j’emmerde ces gens qui ne parlent qu’une langue et ne sont même pas foutus d’en apprendre une autre. % (pour une autre différence culturelle, voir le mail « coucou les picards 2 »).
Enfin par moments je me pose vraiment des questions sur l’expatriation, ce que ca m’apporte vraiment mais aussi ce que j’y perds. Parce que finalement je ne suis pas en France pendant ce temps-la, et les gens en France continuent de vivre pendant que je n’y suis pas, construisent des choses et avancent pendant que moi je me débats pour me reconstruire une vie, un équilibre et des relations sociales, et tout est à recommencer quand je repars pour un autre endroit. C’est marrant, c’est un aspect que je n’avais qu’entrevu quand j’étais au Brésil, peut-être parce que je n’y étais que pour 6 mois, dans le cadre des études en plus. Mais la je travaille et la suite logique pour moi du point de vue professionnel sera surement de rester expatriée, en Indonésie ou dans un autre pays. Finalement je ne sais toujours pas ce que je ferai, ni ce que je veux faire dans un an, deux ou même dix ans. Mais c’est cool quand même d’être en Indonésie…
samedi 31 mars 2007
Amibes & Cie
Je me demandais en combien de temps ca viendrait, alors voila, les premiers coups durs de mon aventure indonésienne sont tombés. On peut appeler ca désenchantement ou déception, mais c’est quand même trop fort, je ne repartirais pas d’ici si on me le proposait. La déception vient surtout de ma vision des gens autour de moi, que ce soit ceux que je connais ou ceux que je ne fais que croiser, les lieux aussi, enfin les situations.
Désenchantement, c’est un peu voir tout d’un coup les mauvais côtés d’ici, en l’occurrence les amibes que j’ai chopés, un coup de pas de chance mais qui a des conséquences un peu chiantes, d’où effet sur un moral fragilisé par la situation (quoi vous croyez encore que je passe ma vie sous un cocotier avec des beaux mecs autour de moi ? Pour les uns comme pour les autres, j’attends encore…), et aussi le manque de vie sociale, qui s’impose une fois les premiers contacts établis.
Un peu de culture, les amibes c’est quoi ? Des saloperies de bactéries, qui peuvent s’infiltrer dans les intestins quand on a eu la mauvaise idée de boire la mauvaise eau ou de manger la mauvaise bouffe dans le mauvais resto… bref le résultat est un certain désordre intestinal (quelqu’un a besoin de précision ?), assez douloureux, avec des hauts et des bas, donc un peu dur psychologiquement. Bref je me suis forcée à aller voir un médecin (total 200 euro, 7h en voiture en cumulé et des prélèvements inédits pour moi), et j’ai eu raison car ces petites bêtes peuvent devenir très méchantes, en particulier en allant foutre la merde (sans mauvais jeu de mot) ailleurs dans l’organisme… Donc il faut s’en débarrasser, ca se fait de façon très efficace avec des médocs. La on me dira alors de quoi tu te plains tu vas guérir. En fait les effets secondaires sont assez costauds (j’en suis au premier jour alors je ne fais qu’imaginer) et chiants, entre autres sport interdit.
Bref tout cela parait un peu léger pour un désenchantement, mais disons que j’avais commencé à me faire ma petite (balbutiante, OK) vie sociale hors de l’entreprise et des 3-4 autres expatriés, entre autres grâce a l’ultimate. D’ailleurs le tournoi de Bali, j’en rêverais presque la nuit, mais du coup c’est compromis car si tout se passe bien j’aurais arrêté le traitement quelques jours avant… Donc voila, tout ca a cause de ces sales bestioles je suis privée de mon activité extra-boulot préférée (et unique, car on sort le week-end mais entre gens de l’entreprise alors ca compte pas a 100% comme extra-pro), de mon sport, nécessaire a mon bon équilibre physique et psychologique parce que quand même bosser plus de 8h par jour ca tape un peu sur le système et de ma vie sociale extra-pro, tout ceci étant lié comme j’essaie de l’expliquer. Bref en 3 mots, ca fait chier (et encore une fois, sans mauvais jeu de mots).
Une légère déception concerne donc aussi la vie sociale, on est un peu en vase clos, j’ai besoin de plus d’interaction, avec plus de gens différents, faire la fête le week-end (enfin, au moins le week-end, mais la semaine je suis trop fatiguée), rencontrer des gens etc. Ici les autres expats sont plus vieux, leur dernière année d’études ne remonte pas a seulement quelques mois, ils aiment leur confort et leurs pantoufles (et je les comprends très bien). On ajoute à ca que la première copine que je peux me faire passe parfois des soirées à lire le Coran avec d’autres nanas et je cherche encore ce qu’on a en commun. Pas d’offense pour elle, elle est adorable et j’ai été très touchée par les marques d’intérêt qu’elle me porte. Mais desolee, je ne viendrait pas jouer au badminton a 8h le dimanche matin.
En tout cas cela m’amène à mon sujet de réflexion et d’interrogation principal : qui sont les Indonésiens ? Et Indonésiennes bien sur…
Ces gens qui nous dévisagent ouvertement, mangent du riz qui pue a tous les repas, parlent une langue sans grammaire (nom moi Borat), vivent au rythme de leur religion plus que dans d’autres pays musulmans pourtant plus intégristes, mettent des voiles a des petites filles d’a peine 4 ans, montrent toujours un visage égal et si difficile a interpréter…
Il y a des façons faciles de les cerner, pour certains ce sont simplement des faignants, pour d’autres la mauvaise alimentation pendant l’enfance nuit au développement de leur cerveau, d’autres encore évoquent les seulement 50 ans d’indépendance du pays ou l’importance trop élevée de la religion dans leur vie, parfois au détriment de choses qu’on a tendance à placer toujours au premier plan (enfin surtout le boulot).
Comment ne pas s’énerver quand a chaque fois qu’on dit merci a quelqu’un, et dans sa langue SVP, on s’entend répondre un yeah trainant et sans conviction ? Ou que quand dans un resto vide on attend une demi-heure un jus de fruits (ils sont partis cueillir les fruits ou quoi ?) ? Ou encore quand on voit des parents balader sur leur moto des gamins sans casque ? Ou quand les employés ont une fâcheuse tendance à essayer de gratter quelques euros de toutes les manières qui leur passe par la tête ?
Mais je trouve ca trop facile de juger aussi vite et de manière aussi globale la population entière d’un pays.
Pour commencer, la lenteur de certaines choses, le manque de réactivité que semblent montrer un grand nombre d’Indonésiens ainsi qu’un désintérêt flagrant pour certaines choses qui nous paraissent particulièrement importantes, peuvent s’expliquer, si on essaie quelques instants de sortir de notre vision bien occidentale de la vie. Apres tout, on est ici aussi pour comprendre que notre manière de penser n’est pas universelle. La lenteur et le manque de réactivité peuvent être mis en opposition avec un stress et une poursuite effrénée du profit et du rendement qui ont un sens dans notre culture et collent avec notre mode de vie. Mais ce mode de vie et d’organisation ont été imposés à des populations colonisées. Pourquoi ont-elles été colonisées ? Parce qu’elles étaient plus faibles, moins développées… ou alors parce qu’elles ne cherchaient pas à se développer, justement, de la même manière que nous. Parce que leurs valeurs ancestrales, leur histoire et leur situation ne les poussaient pas à ce type d’évolution qui a été le notre. Par contre ces populations n’ont pas refusé les progrès qui ont été amenés par les colonisateurs : médecine, confort, puis plus tard télévision ou junk food… Ils se sont d’une certaine manière retrouvés piégés dans un mode de vie inadapté à leur mentalité, à leur histoire et à leur milieu, qui ne les avaient pas préparés à faire face au nouveau mode de fonctionnement, dont ils ne pouvaient plus se séparer. Et justement, qu’est-ce que 50 ans d’indépendance face a plusieurs centaines voire de milliers d’années de développement propre ?
Quant a la religion, quand on connait la puissance qu’elle peut avoir sur l’esprit des gens, on comprend que ce n’est pas la population d’un pays qu’on juge mais la doctrine abrutissante et infantilisante qui a les mêmes effets sur certains adultes français élevés de façon laïque et sur n’importe quel enfant de n’importe quel pays a qui on la présente, des le plus jeune âge, comme la vérité vraie et la croyance qui doit guider sa vie. Quand en plus des mauvaises conditions de vie, injustices, catastrophes naturelles (fréquentes en Indonésie), perturbent et déstabilisent les esprits, comment peut-on s’étonner que nous, Français privilégiés et surs de nous et de nos valeurs, soyons si incompris et si décalés ici ?
Quant aux autres questions, il ne doit pas être très difficile de leur trouver une réponse. Par exemple, a-t-on pensé une seconde au salaire de ces employés qui essaient de nous gratter par des moyens parfois si évidents ? Et au notre ? Quant au travailleur faignant, si jamais il est en train de passer par la même crise d’amibes que moi, je peux comprendre qu’il ait du mal à se bouger le cul, rien que le fait d’être debout était difficile par moments…
Mais ce qui est sur, c’est que les situations ne sont pas toujours faciles accepter, entre autres les Indonésiens ne sont pas très forts pour comprendre qu’on peut être différents d’eux, et ils ne se gênent pas pour le faire sentir. En même temps encore une fois quand on voyage on a cet avantage d’en avoir plus vu que celui chez qui on est, donc on se doit d’être celui qui a le plus d’ouverture d’esprit et qui comprend que l’autre en face en a moins.
J’espère que cette réflexion n’apparait pas trop négative, et qu’elle ne sera pas mal interprétée. J’adore être ici, mais ce n’est pas facile tous les jours d’être loin de chez soi, de ses amis et de sa famille et de ne pas toujours comprendre les gens qui nous entourent. Ce qui est a la base une bonne attention nous apparait parfois comme un harcèlement idiot, les rires nerveux qu’on peut prendre pour des moqueries sont peut-être des manifestations d’inconfort face a des étrangers intimidants… Mais pourquoi devrait-on demander à ces gens de nous comprendre alors que nous en sommes incapables ? Apres tout c’est nous qui venons chez eux, c’est nous qui avons accès a la comparaison entre deux cultures, a l’ouverture d’esprit favorisée par notre statut social. Mais parfois la moindre contrariété apparait comme un aspect d’une conspiration générale et amène à se demander : mais qu’est-ce-que je fous ici ? A quoi est-ce que je pensais quand j’ai signé pour ce boulot ? Mais si c’était à refaire, je referais pareil… rien que pour le dépaysement, la découverte, les sourires et l’accueil des Indonésiens, et bien d’autres choses…
Désenchantement, c’est un peu voir tout d’un coup les mauvais côtés d’ici, en l’occurrence les amibes que j’ai chopés, un coup de pas de chance mais qui a des conséquences un peu chiantes, d’où effet sur un moral fragilisé par la situation (quoi vous croyez encore que je passe ma vie sous un cocotier avec des beaux mecs autour de moi ? Pour les uns comme pour les autres, j’attends encore…), et aussi le manque de vie sociale, qui s’impose une fois les premiers contacts établis.
Un peu de culture, les amibes c’est quoi ? Des saloperies de bactéries, qui peuvent s’infiltrer dans les intestins quand on a eu la mauvaise idée de boire la mauvaise eau ou de manger la mauvaise bouffe dans le mauvais resto… bref le résultat est un certain désordre intestinal (quelqu’un a besoin de précision ?), assez douloureux, avec des hauts et des bas, donc un peu dur psychologiquement. Bref je me suis forcée à aller voir un médecin (total 200 euro, 7h en voiture en cumulé et des prélèvements inédits pour moi), et j’ai eu raison car ces petites bêtes peuvent devenir très méchantes, en particulier en allant foutre la merde (sans mauvais jeu de mot) ailleurs dans l’organisme… Donc il faut s’en débarrasser, ca se fait de façon très efficace avec des médocs. La on me dira alors de quoi tu te plains tu vas guérir. En fait les effets secondaires sont assez costauds (j’en suis au premier jour alors je ne fais qu’imaginer) et chiants, entre autres sport interdit.
Bref tout cela parait un peu léger pour un désenchantement, mais disons que j’avais commencé à me faire ma petite (balbutiante, OK) vie sociale hors de l’entreprise et des 3-4 autres expatriés, entre autres grâce a l’ultimate. D’ailleurs le tournoi de Bali, j’en rêverais presque la nuit, mais du coup c’est compromis car si tout se passe bien j’aurais arrêté le traitement quelques jours avant… Donc voila, tout ca a cause de ces sales bestioles je suis privée de mon activité extra-boulot préférée (et unique, car on sort le week-end mais entre gens de l’entreprise alors ca compte pas a 100% comme extra-pro), de mon sport, nécessaire a mon bon équilibre physique et psychologique parce que quand même bosser plus de 8h par jour ca tape un peu sur le système et de ma vie sociale extra-pro, tout ceci étant lié comme j’essaie de l’expliquer. Bref en 3 mots, ca fait chier (et encore une fois, sans mauvais jeu de mots).
Une légère déception concerne donc aussi la vie sociale, on est un peu en vase clos, j’ai besoin de plus d’interaction, avec plus de gens différents, faire la fête le week-end (enfin, au moins le week-end, mais la semaine je suis trop fatiguée), rencontrer des gens etc. Ici les autres expats sont plus vieux, leur dernière année d’études ne remonte pas a seulement quelques mois, ils aiment leur confort et leurs pantoufles (et je les comprends très bien). On ajoute à ca que la première copine que je peux me faire passe parfois des soirées à lire le Coran avec d’autres nanas et je cherche encore ce qu’on a en commun. Pas d’offense pour elle, elle est adorable et j’ai été très touchée par les marques d’intérêt qu’elle me porte. Mais desolee, je ne viendrait pas jouer au badminton a 8h le dimanche matin.
En tout cas cela m’amène à mon sujet de réflexion et d’interrogation principal : qui sont les Indonésiens ? Et Indonésiennes bien sur…
Ces gens qui nous dévisagent ouvertement, mangent du riz qui pue a tous les repas, parlent une langue sans grammaire (nom moi Borat), vivent au rythme de leur religion plus que dans d’autres pays musulmans pourtant plus intégristes, mettent des voiles a des petites filles d’a peine 4 ans, montrent toujours un visage égal et si difficile a interpréter…
Il y a des façons faciles de les cerner, pour certains ce sont simplement des faignants, pour d’autres la mauvaise alimentation pendant l’enfance nuit au développement de leur cerveau, d’autres encore évoquent les seulement 50 ans d’indépendance du pays ou l’importance trop élevée de la religion dans leur vie, parfois au détriment de choses qu’on a tendance à placer toujours au premier plan (enfin surtout le boulot).
Comment ne pas s’énerver quand a chaque fois qu’on dit merci a quelqu’un, et dans sa langue SVP, on s’entend répondre un yeah trainant et sans conviction ? Ou que quand dans un resto vide on attend une demi-heure un jus de fruits (ils sont partis cueillir les fruits ou quoi ?) ? Ou encore quand on voit des parents balader sur leur moto des gamins sans casque ? Ou quand les employés ont une fâcheuse tendance à essayer de gratter quelques euros de toutes les manières qui leur passe par la tête ?
Mais je trouve ca trop facile de juger aussi vite et de manière aussi globale la population entière d’un pays.
Pour commencer, la lenteur de certaines choses, le manque de réactivité que semblent montrer un grand nombre d’Indonésiens ainsi qu’un désintérêt flagrant pour certaines choses qui nous paraissent particulièrement importantes, peuvent s’expliquer, si on essaie quelques instants de sortir de notre vision bien occidentale de la vie. Apres tout, on est ici aussi pour comprendre que notre manière de penser n’est pas universelle. La lenteur et le manque de réactivité peuvent être mis en opposition avec un stress et une poursuite effrénée du profit et du rendement qui ont un sens dans notre culture et collent avec notre mode de vie. Mais ce mode de vie et d’organisation ont été imposés à des populations colonisées. Pourquoi ont-elles été colonisées ? Parce qu’elles étaient plus faibles, moins développées… ou alors parce qu’elles ne cherchaient pas à se développer, justement, de la même manière que nous. Parce que leurs valeurs ancestrales, leur histoire et leur situation ne les poussaient pas à ce type d’évolution qui a été le notre. Par contre ces populations n’ont pas refusé les progrès qui ont été amenés par les colonisateurs : médecine, confort, puis plus tard télévision ou junk food… Ils se sont d’une certaine manière retrouvés piégés dans un mode de vie inadapté à leur mentalité, à leur histoire et à leur milieu, qui ne les avaient pas préparés à faire face au nouveau mode de fonctionnement, dont ils ne pouvaient plus se séparer. Et justement, qu’est-ce que 50 ans d’indépendance face a plusieurs centaines voire de milliers d’années de développement propre ?
Quant a la religion, quand on connait la puissance qu’elle peut avoir sur l’esprit des gens, on comprend que ce n’est pas la population d’un pays qu’on juge mais la doctrine abrutissante et infantilisante qui a les mêmes effets sur certains adultes français élevés de façon laïque et sur n’importe quel enfant de n’importe quel pays a qui on la présente, des le plus jeune âge, comme la vérité vraie et la croyance qui doit guider sa vie. Quand en plus des mauvaises conditions de vie, injustices, catastrophes naturelles (fréquentes en Indonésie), perturbent et déstabilisent les esprits, comment peut-on s’étonner que nous, Français privilégiés et surs de nous et de nos valeurs, soyons si incompris et si décalés ici ?
Quant aux autres questions, il ne doit pas être très difficile de leur trouver une réponse. Par exemple, a-t-on pensé une seconde au salaire de ces employés qui essaient de nous gratter par des moyens parfois si évidents ? Et au notre ? Quant au travailleur faignant, si jamais il est en train de passer par la même crise d’amibes que moi, je peux comprendre qu’il ait du mal à se bouger le cul, rien que le fait d’être debout était difficile par moments…
Mais ce qui est sur, c’est que les situations ne sont pas toujours faciles accepter, entre autres les Indonésiens ne sont pas très forts pour comprendre qu’on peut être différents d’eux, et ils ne se gênent pas pour le faire sentir. En même temps encore une fois quand on voyage on a cet avantage d’en avoir plus vu que celui chez qui on est, donc on se doit d’être celui qui a le plus d’ouverture d’esprit et qui comprend que l’autre en face en a moins.
J’espère que cette réflexion n’apparait pas trop négative, et qu’elle ne sera pas mal interprétée. J’adore être ici, mais ce n’est pas facile tous les jours d’être loin de chez soi, de ses amis et de sa famille et de ne pas toujours comprendre les gens qui nous entourent. Ce qui est a la base une bonne attention nous apparait parfois comme un harcèlement idiot, les rires nerveux qu’on peut prendre pour des moqueries sont peut-être des manifestations d’inconfort face a des étrangers intimidants… Mais pourquoi devrait-on demander à ces gens de nous comprendre alors que nous en sommes incapables ? Apres tout c’est nous qui venons chez eux, c’est nous qui avons accès a la comparaison entre deux cultures, a l’ouverture d’esprit favorisée par notre statut social. Mais parfois la moindre contrariété apparait comme un aspect d’une conspiration générale et amène à se demander : mais qu’est-ce-que je fous ici ? A quoi est-ce que je pensais quand j’ai signé pour ce boulot ? Mais si c’était à refaire, je referais pareil… rien que pour le dépaysement, la découverte, les sourires et l’accueil des Indonésiens, et bien d’autres choses…
mardi 6 mars 2007
Début du récit de mes aventures en Indonésie…
Voila mon 'aventure' indonesienne a commencé, pour l'instant je ne suis pas décue par le dépaysement ni les gens que j'ai rencontré.
Pour le coup, comme dirait un des mes collègues, je suis une aventurière, ou plutôt une pionnière. Bien sur je ne suis pas la première fille expatriée en Indonésie, mais en tout cas pour le boulot que je vais faire, si je ne suis pas la première, je n’en suis pas bien loin.
Pour l’instant le constat évident de mes premiers jours ici, c’est que cette expérience va être en tous points totalement différente de celle à Rio. Pour commencer l’arrivée : le boss du « Welltekindo Technical Center », ou JTC, est venu me chercher a l’aéroport avec son chauffeur et sa grosse voiture avec vitres teintées… plus confortable que le bus, de toute façon je ne suis pas trop sensée prendre le bus ici (déjà une aberration pour moi). Bref je ne vais pas me plaindre. Comme il faut aller dans le centre de Djakarta le lendemain (au siège de la boite) et que la maison ou je vais habiter est de l’autre cote de la ville, c’est plus simple de dormir a l’hôtel. Diner offert par Bruno (oui je vais pas continuer à l’appeler le boss, il est trop cool pour ca), merci ! Le lendemain c’est le premier aperçu de Djakarta, complètement un autre monde… la première chose qu’on remarque, a part qu’on est clairement pas en France ni même en Europe, c’est les embouteillages. C’est la folie, la ville s’est clairement développée anarchiquement et le pouvoir n’a pas réussi à suivre au niveau des routes. Il faut préciser que parmi les véhicules environ la moitié sont des motos, scooters et apparentés, certains tout pourris, d’autres un peu mieux. La palme revient aux petites motos perraves ornées d’un autocollant du style ‘addicted to speed’ ou ‘Goooooo !!!’. Sinon j’ai halluciné sur les petites voitures – tricycles, très colorées, ouvertes a l’arrière (photos à venir). Le bémol c’est le casque non systématique, il doit y avoir des accidents quand même. Surtout abusé quand on voit des gosses tout jeunes (voire des bébés) sur la moto avec les parents. Mais vu le manque de transports en commun, ca se comprend… Beaucoup de gens en deux-roues ont des foulards autour de la bouche et du nez, vu le nombre de véhicules on comprend.
Bref le premier jour j’ai rencontré les français de la boite, tous sympas même si un peu trop pressés de me faire partager leur vision du pays (j’ai envie de me faire ma propre opinion). Ensuite c’est les présentations au JTC, apparemment les Indonésiens vont avoir besoin d’un peu de temps pour s’habituer a moi, il faut dire qu’en plus d’être une nouvelle française je suis une fille et plus grande que la plupart ! Mais ils ont l’air curieux, pas du tout hostiles. Le boulot s’annonce bien, mais ca ne ressemble pas aux conditions françaises (les toilettes pour femmes sont a l’autre bout du site, fermées a clé par exemple, ou alors l’heure de la prière rythme le boulot pour certains). Ce que je ressens en tout cas du coté indonésien c’est une tolérance, en particulier au niveau religieux, même si il vaut mieux dire qu’on est chrétien plutôt qu’athée.
Je vais rester au bureau pendant un mois pour avancer un peu sur mon projet. Ca va commencer à être spécial sur les chantiers car comme je l’ai dit je suis la première fille qui sera formée par Geoservices pour ce boulot. Mais ca devrait bien se passer (j’espère).
En fait on n’habite pas à Djakarta même mais a Cikarang, à 20 km a peu près, tout près du bureau. C’est plus calme et moins pollué mais il y a moins de choses à faire. Et il faut plus d’une heure pour arriver à Djakarta même, à cause des embouteillages. Mais c’est la qu’on est bien contents d’avoir le chauffeur. C’est comme être dans le train par exemple sauf qu’il y a de la place et on va ou on veut exactement.
Sinon la ville est très dépaysante, j’ai eu l’occasion de la traverser pour des formalités administratives. J’ai déjà parle des embouteillages et des motos … Les gens ont un type physique très asiatique dans l’ensemble, mais ils ne sont pas tous « pareils » : il y en a des plus ou moins basanés, avec les yeux plus ou moins bridés… Partout il y a de petits chariots colorés qui sont des stands de bouffe locale (dangereux pour les intestins il parait), les commerces ont vraiment un style particulier, l’ambiance est difficile a exprimer. Par contre ce qui est facile a exprimer c’est la frustration que je ressens a tout voir a travers les vitres fumées de la voiture, de se faire conduire partout et d’avoir l’impression de toujours devoir rester dans les chemins balisés… mais ma visite aux bureaux de l’immigration m’a fait comprendre que les choses ne seraient pas aussi facile qu’au Brésil… je crois que beaucoup moins de gens parlent anglais et en plus on est tout de suite repérés en tant qu’étrangers, donc riches car soit expats soit touristes (quoiqu’a notre style c’est plutôt la première option qui prime). Les gosses sont marrants, ils nous regardent comme des attractions de foire, surtout à Cikarang (zéro tourisme).
Je n’ai pas trop vu de paysages encore, à part des bouts de ville. C’est marrant car j’ai parfois des impressions du Brésil, en particulier en ce qui concerne les bidonvilles, même si les briques rouges des indonésiens sont plus petites et que les conditions ont l’air encore pire.
Pour en revenir a mes ‘colocataires’, ils sont trois : le mec dont je parlais tout a l’heure, Clement, qui est notre supérieur direct. Il est sympa, même si je pense qu’on n’aurait pas été potes si on s’était rencontrés dans d’autres conditions. Le deuxième français, Jean, est dans le genre à donner des conseils tout droit sortis de son guide de voyage (j’ai le même merci) et si on l’écoute on ne fait rien ou presque qui n’a pas été auparavant testé et approuvé par lui. Mais il n’est pas méchant et même plutôt intéressant (ancien marin-pompier). Le 3e est Ignacio, un chilien un peu ouf sur les bords, c’est le ‘grand frère’, il aura 30 ans en mai. Mais il ne les fait pas et il est vraiment rigolo, et intéressant, on sent qu’il réfléchit beaucoup et prend le temps d’essayer de connaitre les indonésiens, bref il est très humain, dans le bon sens du terme.
Les premiers jours ont été assez calmes, boulot toute la journée, déjeuner avec Clement et Bruno (qui ont une tendance un peu trop marquée à parler boulot, apparemment c’est l’influence de Clement). Le soir on passe le temps « en famille », on papote, en anglais français et un peu espagnol. On rigole bien, surtout grâce à l’influence d’Ignacio, Jean et Clement sont plus posés. La maison est plutôt pas mal, grande, ma chambre est immense, avec une grande salle de bains, c’est super (c’est Bruno qui a décidé que je l’aurais mais je suis sure que les mecs me l’auraient laissée tellement ils sont gentils). Il y a une petite nana (Ikoum, la ‘maid’) qui est la pour nous faire a manger si on veut, le ménage et la vaisselle aussi. Au début ca m’a un peu choquée, je n’aime pas trop me faire servir, mais je crois qu’elle est contente avec ce boulot, et puis comme disent les autres, je dois attendre un peu et je vais m’habituer très vite. On va voir… mais je pense qu’ils ont raison. Et c’est une réflexion que j’ai déjà eu en France, ca serait même abuser que de ne pas avoir d’employés, vu ce que ca coute par rapport a ce que ca leur apporte.
Le premier week end a bien commencé, le vendredi soir petit resto-bar avec Bruno, Ignacio et Jean (Clement est parti en France entre autres pour se marier, il revient avec sa femme dans 3 semaines). Le bar s’appelle Aphrodite, c’est un endroit pour expats et riches Indonésiens. C’est marrant car c’est exactement le genre d’endroits que je fuyais au Brésil, mais en même temps comme me l’ont confirmé les mecs, je n’aurais rien à faire dans un bar populaire. Ce soir-la c’est soirée spéciale, il y a un tableau blanc ou on peut écrire son nom et un petit mot. Ignacio décline la proposition d’une hôtesse d’écrire, mais je l’engrène pour écrire de la merde. Ca donne « Viva la triple penetracion », signé Gilles (une blague entre Ignacio et Gilles, un français de la boite qui bosse au siège, très sympa aussi), j’écris « Gosto da punheta » signé Clement. Dans le bar on voit beaucoup de « vieux expats », 45-50 ans, des têtes de gens qui ont pas mal levé le coude pendant leur vie. Ils sont en groupe ou alors beaucoup sont avec des filles indonésiennes beaucoup plus jeunes. On ne va pas s’étonner…
On passe la soirée à discuter entre nous, c’est sympa, Bruno n’a pas de problème à passer une soirée avec nous même si on est plus jeunes que lui, mais pour recadrer il faut dire qu’il fait beaucoup plus jeune que son âge. Il est marrant car il est très cool, et en même temps on sent une personnalité intéressante, mais pas facile à comprendre. J’aime beaucoup Ignacio aussi, il m’appelle sa petite sœur. Je n’arrive pas trop à cerner Jean, il est posé, peut-être timide.
On ne rentre pas trop tard car les mecs ont formation de slickline le samedi matin et ca m’arrange car je suis crevée, trop d’émotions, de dépaysement et de nouveautés pour une semaine. La façon dont l’arrivée s’est faite, je n’ai pas eu beaucoup le temps de me poser pour réfléchir ou même ne penser a rien (je sais ca parait un peu contradictoire mais ca ne l’est pas tant que ca).
Le lendemain matin, quand je me lève les mecs ne sont pas la et je décide d’aller faire un petit tour a pied, mais ma clé ne veut pas ouvrir la porte d’entrée. Tout est fermé, j’arrive à sortir dans le jardin mais c’est à l’arrière de la maison et il faudrait escalader un mur. Je me dis que ca ne vaut pas le coup car ils devraient être de retour peu de temps après. J’échange quelques mots d’indonésien avec Ikoum la maid, elle part rejoindre sa famille (elle a deux enfants) pour le weekend, je lui donne un peu d’argent, je me suis laissé attendrir.
Ensuite on va manger au resto (vraiment pas cher, mais je vais essayer de ne pas en faire une habitude, tout est tellement gras) puis on part pour Djakarta, direction un quartier de centres commerciaux ‘spécialisés’, en l’occurrence on y va pour l’électronique. Sur le chemin on passe à coté de bidonvilles, ca a l’air plus dur que les favelas… et ca fait bizarre de passer a coté dans une grosse voiture avec chauffeur, je culpabilise encore plus que d’habitude.
Dans le centre commercial c’est un peu moins cher qu’en France, ca dépend des produits, mais je me suis acheté un appareil photo supplémentaire plus petit (Sony W-50) pour les photos de tous les jours et sur le terrain. C’est marrant, il faut marchander et je crois que j’ai eu des bons prix… pour une étrangère ! L’étape suivante était le Java Jazz Festival (Java est l’ile sur laquelle se trouve Djakarta). On a retrouvé Bruno la, et on a vu des concerts super, des très bons artistes, même si on ne les connaissait pas. Le moment rigolo de la soirée a été quand on s’est incrustés dans un espace VIP réservé aux managers d’Astro, une chaine de télé, grâce a Bruno (a son charisme si on l’écoute, en fait aussi grâce au manque d’assurance des hôtesses indonésiennes face aux expatriés). Justement il y a un petit malaise a ce niveau la, une sorte de rapport inégal qui s’est mis en place. On explique ca par diverses raisons, peu de temps d’indépendance donc une fierté nationale assez faible peut-être, la plus petite taille encore (peut-être), le fait que les étrangers amènent beaucoup d’argent et aussi parce que certains cultivent l’idée que les indonésiens leur sont inferieurs. Bref ce ne sont que des suppositions, je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour tout analyser de manière objective.
La fin de soirée s’est passé au bar Los Amigos, bar mexicain dans le quartier diplomatique, diner sympa. Ahhhh je viens de voir passer un camion rempli de poulets entasses les uns sur les autres….. On parle beaucoup de grippe aviaire ici, ca a commencé dans le coin.
Samedi on est donc rentrés pas trop tard, on a encore eu une discussion intéressante avec Ignacio, et puis dodo. Le petit déjeuner a été pour nous un repas indonésien au centre commercial du coin, des brochettes de bœuf et du riz. Ensuite pour moi, direction Djakarta pour un petit tournoi d’ultimate, les gens étaient tous très sympas (j’en reviens à l’ instant ou j’écris), j’ai joué comme une merde mais après presque 6 mois (voire plus) presque sans sport, j’ai des excuses. Il y avait essentiellement des expats mais aussi des indonésiens, je me suis bien défoulée, j’y retournerai !!! Et normalement si le boulot le permet j’irai avec eux a un tournoi a Bali le week-end de Pâques.
Sinon spéciale dédicace a Antoine et Conight les motards, j’ai vu samedi soir une moto équipée d’un néon, et oui, rouge en l’occurrence. On en a rêvé pour vous, les Indonésiens l’ont fait !
Bisous a tous...
Pour le coup, comme dirait un des mes collègues, je suis une aventurière, ou plutôt une pionnière. Bien sur je ne suis pas la première fille expatriée en Indonésie, mais en tout cas pour le boulot que je vais faire, si je ne suis pas la première, je n’en suis pas bien loin.
Pour l’instant le constat évident de mes premiers jours ici, c’est que cette expérience va être en tous points totalement différente de celle à Rio. Pour commencer l’arrivée : le boss du « Welltekindo Technical Center », ou JTC, est venu me chercher a l’aéroport avec son chauffeur et sa grosse voiture avec vitres teintées… plus confortable que le bus, de toute façon je ne suis pas trop sensée prendre le bus ici (déjà une aberration pour moi). Bref je ne vais pas me plaindre. Comme il faut aller dans le centre de Djakarta le lendemain (au siège de la boite) et que la maison ou je vais habiter est de l’autre cote de la ville, c’est plus simple de dormir a l’hôtel. Diner offert par Bruno (oui je vais pas continuer à l’appeler le boss, il est trop cool pour ca), merci ! Le lendemain c’est le premier aperçu de Djakarta, complètement un autre monde… la première chose qu’on remarque, a part qu’on est clairement pas en France ni même en Europe, c’est les embouteillages. C’est la folie, la ville s’est clairement développée anarchiquement et le pouvoir n’a pas réussi à suivre au niveau des routes. Il faut préciser que parmi les véhicules environ la moitié sont des motos, scooters et apparentés, certains tout pourris, d’autres un peu mieux. La palme revient aux petites motos perraves ornées d’un autocollant du style ‘addicted to speed’ ou ‘Goooooo !!!’. Sinon j’ai halluciné sur les petites voitures – tricycles, très colorées, ouvertes a l’arrière (photos à venir). Le bémol c’est le casque non systématique, il doit y avoir des accidents quand même. Surtout abusé quand on voit des gosses tout jeunes (voire des bébés) sur la moto avec les parents. Mais vu le manque de transports en commun, ca se comprend… Beaucoup de gens en deux-roues ont des foulards autour de la bouche et du nez, vu le nombre de véhicules on comprend.
Bref le premier jour j’ai rencontré les français de la boite, tous sympas même si un peu trop pressés de me faire partager leur vision du pays (j’ai envie de me faire ma propre opinion). Ensuite c’est les présentations au JTC, apparemment les Indonésiens vont avoir besoin d’un peu de temps pour s’habituer a moi, il faut dire qu’en plus d’être une nouvelle française je suis une fille et plus grande que la plupart ! Mais ils ont l’air curieux, pas du tout hostiles. Le boulot s’annonce bien, mais ca ne ressemble pas aux conditions françaises (les toilettes pour femmes sont a l’autre bout du site, fermées a clé par exemple, ou alors l’heure de la prière rythme le boulot pour certains). Ce que je ressens en tout cas du coté indonésien c’est une tolérance, en particulier au niveau religieux, même si il vaut mieux dire qu’on est chrétien plutôt qu’athée.
Je vais rester au bureau pendant un mois pour avancer un peu sur mon projet. Ca va commencer à être spécial sur les chantiers car comme je l’ai dit je suis la première fille qui sera formée par Geoservices pour ce boulot. Mais ca devrait bien se passer (j’espère).
En fait on n’habite pas à Djakarta même mais a Cikarang, à 20 km a peu près, tout près du bureau. C’est plus calme et moins pollué mais il y a moins de choses à faire. Et il faut plus d’une heure pour arriver à Djakarta même, à cause des embouteillages. Mais c’est la qu’on est bien contents d’avoir le chauffeur. C’est comme être dans le train par exemple sauf qu’il y a de la place et on va ou on veut exactement.
Sinon la ville est très dépaysante, j’ai eu l’occasion de la traverser pour des formalités administratives. J’ai déjà parle des embouteillages et des motos … Les gens ont un type physique très asiatique dans l’ensemble, mais ils ne sont pas tous « pareils » : il y en a des plus ou moins basanés, avec les yeux plus ou moins bridés… Partout il y a de petits chariots colorés qui sont des stands de bouffe locale (dangereux pour les intestins il parait), les commerces ont vraiment un style particulier, l’ambiance est difficile a exprimer. Par contre ce qui est facile a exprimer c’est la frustration que je ressens a tout voir a travers les vitres fumées de la voiture, de se faire conduire partout et d’avoir l’impression de toujours devoir rester dans les chemins balisés… mais ma visite aux bureaux de l’immigration m’a fait comprendre que les choses ne seraient pas aussi facile qu’au Brésil… je crois que beaucoup moins de gens parlent anglais et en plus on est tout de suite repérés en tant qu’étrangers, donc riches car soit expats soit touristes (quoiqu’a notre style c’est plutôt la première option qui prime). Les gosses sont marrants, ils nous regardent comme des attractions de foire, surtout à Cikarang (zéro tourisme).
Je n’ai pas trop vu de paysages encore, à part des bouts de ville. C’est marrant car j’ai parfois des impressions du Brésil, en particulier en ce qui concerne les bidonvilles, même si les briques rouges des indonésiens sont plus petites et que les conditions ont l’air encore pire.
Pour en revenir a mes ‘colocataires’, ils sont trois : le mec dont je parlais tout a l’heure, Clement, qui est notre supérieur direct. Il est sympa, même si je pense qu’on n’aurait pas été potes si on s’était rencontrés dans d’autres conditions. Le deuxième français, Jean, est dans le genre à donner des conseils tout droit sortis de son guide de voyage (j’ai le même merci) et si on l’écoute on ne fait rien ou presque qui n’a pas été auparavant testé et approuvé par lui. Mais il n’est pas méchant et même plutôt intéressant (ancien marin-pompier). Le 3e est Ignacio, un chilien un peu ouf sur les bords, c’est le ‘grand frère’, il aura 30 ans en mai. Mais il ne les fait pas et il est vraiment rigolo, et intéressant, on sent qu’il réfléchit beaucoup et prend le temps d’essayer de connaitre les indonésiens, bref il est très humain, dans le bon sens du terme.
Les premiers jours ont été assez calmes, boulot toute la journée, déjeuner avec Clement et Bruno (qui ont une tendance un peu trop marquée à parler boulot, apparemment c’est l’influence de Clement). Le soir on passe le temps « en famille », on papote, en anglais français et un peu espagnol. On rigole bien, surtout grâce à l’influence d’Ignacio, Jean et Clement sont plus posés. La maison est plutôt pas mal, grande, ma chambre est immense, avec une grande salle de bains, c’est super (c’est Bruno qui a décidé que je l’aurais mais je suis sure que les mecs me l’auraient laissée tellement ils sont gentils). Il y a une petite nana (Ikoum, la ‘maid’) qui est la pour nous faire a manger si on veut, le ménage et la vaisselle aussi. Au début ca m’a un peu choquée, je n’aime pas trop me faire servir, mais je crois qu’elle est contente avec ce boulot, et puis comme disent les autres, je dois attendre un peu et je vais m’habituer très vite. On va voir… mais je pense qu’ils ont raison. Et c’est une réflexion que j’ai déjà eu en France, ca serait même abuser que de ne pas avoir d’employés, vu ce que ca coute par rapport a ce que ca leur apporte.
Le premier week end a bien commencé, le vendredi soir petit resto-bar avec Bruno, Ignacio et Jean (Clement est parti en France entre autres pour se marier, il revient avec sa femme dans 3 semaines). Le bar s’appelle Aphrodite, c’est un endroit pour expats et riches Indonésiens. C’est marrant car c’est exactement le genre d’endroits que je fuyais au Brésil, mais en même temps comme me l’ont confirmé les mecs, je n’aurais rien à faire dans un bar populaire. Ce soir-la c’est soirée spéciale, il y a un tableau blanc ou on peut écrire son nom et un petit mot. Ignacio décline la proposition d’une hôtesse d’écrire, mais je l’engrène pour écrire de la merde. Ca donne « Viva la triple penetracion », signé Gilles (une blague entre Ignacio et Gilles, un français de la boite qui bosse au siège, très sympa aussi), j’écris « Gosto da punheta » signé Clement. Dans le bar on voit beaucoup de « vieux expats », 45-50 ans, des têtes de gens qui ont pas mal levé le coude pendant leur vie. Ils sont en groupe ou alors beaucoup sont avec des filles indonésiennes beaucoup plus jeunes. On ne va pas s’étonner…
On passe la soirée à discuter entre nous, c’est sympa, Bruno n’a pas de problème à passer une soirée avec nous même si on est plus jeunes que lui, mais pour recadrer il faut dire qu’il fait beaucoup plus jeune que son âge. Il est marrant car il est très cool, et en même temps on sent une personnalité intéressante, mais pas facile à comprendre. J’aime beaucoup Ignacio aussi, il m’appelle sa petite sœur. Je n’arrive pas trop à cerner Jean, il est posé, peut-être timide.
On ne rentre pas trop tard car les mecs ont formation de slickline le samedi matin et ca m’arrange car je suis crevée, trop d’émotions, de dépaysement et de nouveautés pour une semaine. La façon dont l’arrivée s’est faite, je n’ai pas eu beaucoup le temps de me poser pour réfléchir ou même ne penser a rien (je sais ca parait un peu contradictoire mais ca ne l’est pas tant que ca).
Le lendemain matin, quand je me lève les mecs ne sont pas la et je décide d’aller faire un petit tour a pied, mais ma clé ne veut pas ouvrir la porte d’entrée. Tout est fermé, j’arrive à sortir dans le jardin mais c’est à l’arrière de la maison et il faudrait escalader un mur. Je me dis que ca ne vaut pas le coup car ils devraient être de retour peu de temps après. J’échange quelques mots d’indonésien avec Ikoum la maid, elle part rejoindre sa famille (elle a deux enfants) pour le weekend, je lui donne un peu d’argent, je me suis laissé attendrir.
Ensuite on va manger au resto (vraiment pas cher, mais je vais essayer de ne pas en faire une habitude, tout est tellement gras) puis on part pour Djakarta, direction un quartier de centres commerciaux ‘spécialisés’, en l’occurrence on y va pour l’électronique. Sur le chemin on passe à coté de bidonvilles, ca a l’air plus dur que les favelas… et ca fait bizarre de passer a coté dans une grosse voiture avec chauffeur, je culpabilise encore plus que d’habitude.
Dans le centre commercial c’est un peu moins cher qu’en France, ca dépend des produits, mais je me suis acheté un appareil photo supplémentaire plus petit (Sony W-50) pour les photos de tous les jours et sur le terrain. C’est marrant, il faut marchander et je crois que j’ai eu des bons prix… pour une étrangère ! L’étape suivante était le Java Jazz Festival (Java est l’ile sur laquelle se trouve Djakarta). On a retrouvé Bruno la, et on a vu des concerts super, des très bons artistes, même si on ne les connaissait pas. Le moment rigolo de la soirée a été quand on s’est incrustés dans un espace VIP réservé aux managers d’Astro, une chaine de télé, grâce a Bruno (a son charisme si on l’écoute, en fait aussi grâce au manque d’assurance des hôtesses indonésiennes face aux expatriés). Justement il y a un petit malaise a ce niveau la, une sorte de rapport inégal qui s’est mis en place. On explique ca par diverses raisons, peu de temps d’indépendance donc une fierté nationale assez faible peut-être, la plus petite taille encore (peut-être), le fait que les étrangers amènent beaucoup d’argent et aussi parce que certains cultivent l’idée que les indonésiens leur sont inferieurs. Bref ce ne sont que des suppositions, je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour tout analyser de manière objective.
La fin de soirée s’est passé au bar Los Amigos, bar mexicain dans le quartier diplomatique, diner sympa. Ahhhh je viens de voir passer un camion rempli de poulets entasses les uns sur les autres….. On parle beaucoup de grippe aviaire ici, ca a commencé dans le coin.
Samedi on est donc rentrés pas trop tard, on a encore eu une discussion intéressante avec Ignacio, et puis dodo. Le petit déjeuner a été pour nous un repas indonésien au centre commercial du coin, des brochettes de bœuf et du riz. Ensuite pour moi, direction Djakarta pour un petit tournoi d’ultimate, les gens étaient tous très sympas (j’en reviens à l’ instant ou j’écris), j’ai joué comme une merde mais après presque 6 mois (voire plus) presque sans sport, j’ai des excuses. Il y avait essentiellement des expats mais aussi des indonésiens, je me suis bien défoulée, j’y retournerai !!! Et normalement si le boulot le permet j’irai avec eux a un tournoi a Bali le week-end de Pâques.
Sinon spéciale dédicace a Antoine et Conight les motards, j’ai vu samedi soir une moto équipée d’un néon, et oui, rouge en l’occurrence. On en a rêvé pour vous, les Indonésiens l’ont fait !
Bisous a tous...
Inscription à :
Commentaires (Atom)